Point de vue
de Denis Durand, son intervention
ainsi que celle d’Evelyne Ternant
Tonalité très saine des débats de la conférence nationale, nombreuses interventions autour de la notion de "souveraineté populaire", non nationaliste, non protectionniste. Soutien remarqué de Francis Wurtz à la proposition de fonds européen pour les services publics, "dont il tient à souligner qu'elle est due à Paul Boccara".
1) la tonalité des débats
Tonalité très saine des débats de la conférence nationale, nombreuses interventions autour de la notion de “souveraineté populaire”, non nationaliste, non protectionniste. Soutien remarqué de Francis Wurtz à la proposition de fonds européen pour les services publics, “dont il tient à souligner qu’elle est due à Paul Boccara”.
Mais pour l’heure absence d’appel à organiser la campagne européenne autour de mobilisations pour les salaires, l’emploi, les services publics, la paix et la sécurité. Et pas de cadre clair sur le débat dans le Parti sur les candidatures.
Le CN a voté à l’unanimité des résolutions sur la Palestine et vote quasi-unanime (92,6 %) d’une déclaration sur la NUPES évitant l’écueil d’une “sortie” uniquement motivée par les prises de position de la FI sur le Hamas.
2) Intervention de Denis Durand à la Conférence nationale – 14 octobre 2023
Chaque jour qui passe, chaque événement, chez nous et dans le monde, rapproche le Rassemblement national du pouvoir.
L’extrême-droite tire sa force de la faiblesse de la gauche. Pour les gens, la gauche c’est : plus d’impôts sous prétexte de défendre les services publics. Mais l’expérience de notre peuple, c’est que les services publics se portent aussi mal sous la gauche que sous la droite.
La conclusion s’impose : on n’endiguera pas le fascisme, on ne répondra pas à la colère et aux angoisses de nos concitoyennes et concitoyens, avec le programme de la NUPES. Par exemple, se contenter de taxer les dividendes excesssifs comme Hollande en 2012, c’est-à-dire de simples mesures de répartition des richesses, sans s’en prendre à la façon dont le capitalisme produit les richesses en épuisant la nature comme les êtres humains : qui peut encore croire que cela pourrait suffire à répondre à la crise économique, à la crise écologique, à la crise politique ? Il faut aller au fond des choses.
Et le fond des choses est profondément lié aux enjeux européens et mondiaux. La société française est en train de s’appauvrir, elle le vit douloureusement dans les atteintes au pouvoir d’achat et dans l’effondrement des services publics. Et pourtant, depuis 2008, la BCE a déversé des milliers de milliards d’euros sur l’économie, et encore plus depuis 2020. Que s’est-il donc passé ? C’est que cet argent a été mal utilisé, par les financiers et les multinationales. Beaucoup d’argent, pas assez d’emploi, de formation et donc de richesses créées : voilà pourquoi l’inflation nous saute à la figure depuis deux ans.
Face à l’inflation, les banques centrales, au lieu de corriger le tir, ne savent faire qu’une seule chose : retirer l’argent ! Elles remontent les taux d’intérêt, et elles étranglent les particuliers qui veulent acheter un logement, les PME-TPE qui voudraient embaucher. Elles étranglent le financement des services publics.
Au contraire, on a besoin d’argent pour réparer les services publics, pour augmenter les salaires, les pensions et les minima sociaux, pour donner un vrai métier aux millions d’étudiants et d’apprentis que le capitalisme condamne à la précarité. On a besoin d’argent pour réussir la révolution écologique. La transformation écologique de nos productions et de nos consommations, c’est au moins 4 200 milliards d’euros de dépenses sur trente ans, pas loin de deux années de PIB, qu’il faut commencer à avancer tout de suite.
Autrement dit, le problème n’est pas de « désobéir aux traités » européens – cela, il y a bien longtemps que les grands États européens le font quand les intérêts du capital sont en jeu. Ce que nous voulons, c’est beaucoup plus : obliger les institutions européennes, y compris la BCE, à obéir aux différents peuples européens. En somme, construire une souveraineté populaire sur l’argent et sur l’économie.
Bien sûr, cela suppose de changer les traités. Mais on commence par quoi ? Par des années de négociation, sans rapport de forces ? Nous proposons de commencer tout de suite le rapport de forces, dans les luttes concrètes, par exemple pour obtenir que les fonds indispensables pour réparer l’hôpital, l’école, la police, la justice, l’administration fiscale… soient avancés par un Fonds de développement écologique, social et économique européen financé par la BCE à taux zéro ou négatif. C’est en gagnant ces batailles – car elles peuvent être gagnées – que nous créerons les conditions politiques de nouveaux traités.
Lançons de grandes batailles pour les services publics, pour les salaires, pour l’emploi, pour la paix et la sécurité en France, en Europe et dans le monde. Appelons toutes les forces politiques, syndicales, les associations, à y participer.
Mettons à profit la campagne des élections européennes pour faire le lien entre ces batailles et la reconstruction d’une perspective politique. C’est pour cela que nous avons besoin de Frédéric Boccara en position éligible : il faut des candidatures de combat, et des élus de combat, pour les incarner et les porter au Parlement européen. Et c’est ainsi que nous contribuerons à régénérer la gauche et à sortir de l’impuissance face au retour de la bête immonde.
3) intervention d’Evelyne Ternant sur l’ Union Européenne et industrie
La politique industrielle a été pendant longtemps un mot « tabou » dans les conceptions libérales de l’Union Européenne (UE). La politique de la concurrence était censée remplir toutes les fonctions, stimuler les innovations et récompenser les meilleures, garder sur le territoire européen les productions nobles, à haute valeur ajoutée et non polluantes, démontrer l’efficacité supérieure du marché. Sous le choc des pénuries et de l’inflation, les dirigeants européens ont été mis devant le fait accompli d’une dépendance extérieure pour des biens qui constituent la base des processus industriels et de la transition écologique.
Par ailleurs, le plan Biden IRA (Inflation Reduction Act, )de subventionnement massif de «l’industrie verte», associé aux sanctions contre la Chine, imposées à l’UE au nom du principe impérialiste d’extraterritorialité, et au privilège du dollar, font peser un risque de décrochage industriel, qui a fini par être perçu, même par les plus obtus des libéraux.
Dans ce contexte, il y a changement de pied important de l’UE sur l’industrie, dont il faut prendre la mesure. Il y a désormais un plan « industrie 0 émission nette », des plans sectoriels de développement, et surtout une évolution importante sur le subventionnement direct des entreprises par le états, qui tombait régulièrement sous le couperet de la « concurrence libre et non faussée ». Les Etats européens sont désormais autorisés à financer sans limitation les entreprises qui produisent des technologies manquantes ou en lien avec la transition écologique. Ils sont même autorisés officiellement à aligner leurs subventions sur celles de « l’extérieur » -entendons principalement les Etats-Unis-, pour le plus grand intérêt du capital multinational, qui a toute latitude pour mettre aux enchères ses implantations.
C’est ainsi que la firme américaine Intel vient d’imposer à l’Allemagne de relever la subvention initialement prévue à 6,8 milliards d’euros à 9,9 milliards pour implanter une usine de semi-conducteurs. De même, Bruno Le Maire a sorti le carnet de chèques pour la nouvelle implantation de STM-electronics à Crolles, en Isère, en partenariat avec la fonderie américaine Globalfoundrie, pour produire également des semi-conducteurs. Le financement public sera de 2,9 milliard pour un investissement de 7,5 milliards.
En un sens, les états retrouvent de la souveraineté nationale pour développer leur industrie : mais pour qui, pour quoi, et avec quels effets ?
1-Une concurrence accrue entre les états pour attirer les capitaux, ce qui renforce le les inégalités territoriales au sein de l’Europe, entre les états riches qui peuvent arroser et les autres. Le fractionnement géographique actuel de l’Europe, où l’industrie est concentrée sur l’Europe du Nord et de l’Est, et où l’Europe du Sud subit une désindustrialisation accélérée ne peut que s‘accentuer.
2-L’abence de reconstitution de filières industrielles. Il y aura seulement des niches décidées par les multinationales, avec leurs critères capitalistes contre l’emploi et la formation, et la coexistence à l’échelle européenne de doublons en concurrence et de « trous dans la raquette ».
3-L’abandon d’une perspective de financements mutualisés à l’échelle européenne, en particulier ceux de la BCE, les seuls à même de répondre à l’ampleur des besoins. Le financement par les états se heurtera forcément aux limites du prélèvement fiscal, même en supposant une réforme progressiste.
La notion de « souveraineté nationale industrielle » pose problème au regard de la nouvelle industrialisation que nous portons, et de ses trois dimensions :
1-une démarche de planification démocratique et décentralisée qui parte des besoins et des projets des territoires. Il s’agit de la souveraineté des salariés et des citoyens sur les choix des entreprises.
2-une coordination de ces propositions à l’échelle européenne pour construire ou reconstruire des filières industrielles cohérentes dans le cadre de coopérations, par exemple dans les pompes à chaleur, les petits réacteurs nucléaires SMR, etc…Il s’agit en fait de disposer à l’échelle nationale de « briques » ou de « segments » stratégiques pour construire des coopérations à égalité, en Europe et au-delà.
3-La question du financement qui, pour échapper aux marchés financiers et aux limites du financement par l’impôt, passe par la création monétaire de la BCE.
Attention à ne pas affaiblir l’ambition d’une nouvelle industrialisation dans le cadre étroit, décalé et largement illusoire d’une souveraineté nationale, car notre combat est celui de la souveraineté populaire à tous les niveaux, local, national et européen.
SOURCE : https://enavantlemanifeste.fr/2023/10/16/conference-nationale-du-pcf-15-octobre-2023-le-point-de-vue-de-denis-durand-son-intervention-ainsi-que-celle-develyne-ternant/
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DU BLOGUEUR : SUR LES ÉPAULES DU PROLÉTARIAT. RECUEIL N°2-2018. SUR CE LIEN : https://pierreassante.fr/dossier/RECUEIL_N2-2018.pdf