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27 mars 2024 3 27 /03 /mars /2024 11:23

 

INTERVENTION D’EVELYNE TERNANT.

Conseil National du PCF du 22 mars- Discussion générale

 

Tout d’abord, je tiens à m’associer aux remarques critiques que vient de faire Jonathan Dubrulle sur la méthode de construction du programme et les conditions dans lesquelles se déroule la délibération sur son contenu.

 

Mon propos porte sur le contexte géopolitique et la nécessité pour nous de l’intégrer dans l’orientation de notre campagne. Le climat politique est lourd, très lourd, avec des facteurs objectifs d’inquiétude, et un impact sur l’état d’esprit général, sur les comportements et réactions, y compris au sein du parti où on n’est pas encore au niveau de mobilisation nécessaire.

 

Les dirigeants capitalistes et leurs soutiens politiques font aujourd’hui le choix d’une guerre longue, en refusant de mettre sur la table les bases d’une sécurité collective européenne, car ils visent en réalité d’autres objectifs que la restitution à l’Ukraine de ses droits légitimes : il s’agit d’affaiblir durablement la Russie, et à travers elle la Chine, les Brics, c’est-à-dire tout ce qui s’oppose au leadership occidental sur le monde.

Il faut avoir en tête ce contexte géopolitique, et le fait que la guerre en Ukraine est aussi l’occasion pour les Etats Unis de rentrer directement dans la direction des affaires européennes. En ce moment même, Biden est en route pour participer au prochain sommet européen et proposer non seulement de nouvelles sanctions contre la Russie, mais aussi obtenir selon les dires de son conseiller à la sécurité nationale « la garantie d'un effort conjoint pour réprimer toute échappatoire ou évitement des sanctions, toute tentative de la part d'un pays d'aider la Russie à miner, affaiblir ou contourner les sanctions".

Si l’on ajoute à ce contexte géopolitique le décrochage économique de l’Europe par rapport aux Etats Unis, on ne peut que faire le constat d’une Europe fragilisée, d’autant plus que le capital allemand, qui s’est « fait du gras » pendant des années grâce à des excédents commerciaux adossés à la désindustrialisation des pays de l’Europe du Sud, entre en crise. Le modèle allemand qui a misé sur la logique de concurrence et l’absence de coopération intra-européenne, le dumping social en Europe de l’Est et sur le territoire allemand, et l’austérité budgétaire trouve aujourd’hui ses limites dans les contradictions d’une gestion capitaliste placée sous la dictature des marchés financiers.

La fragilisation de l’Europe doit être prise en compte pour déterminer avec le plus de clairvoyance possible l’orientation de notre campagne. Or, il y a deux lignes politiques qui se confrontent au sein de notre direction :

-la première, que l’on peut qualifier de souverainiste, renforcée par les alliances politiques de la liste, présente la reconquête de la souveraineté nationale dans les différents domaines -agricole, industriel, énergétique, etc.- comme le préalable, « LA clé » pour ouvrir la voie à une autre construction européenne.

-la seconde propose de faire du projet « d’une autre Europe » le cœur de notre campagne, et de mettre en avant des mesures concrètes portées à partir des luttes, applicables maintenant, qui introduisent des ruptures avec les logiques de concurrence, d’austérité et de soumission aux marchés financiers qui caractérisent l’Union Européenne actuelle.

 

Le débat sur l’Europe n’est certes pas nouveau dans le parti, entre primauté à la contestation ou à la construction et il a fallu du temps pour trouver le consensus sur l’équilibre. Mais il me semble que c’est la première fois qu’est introduit avec autant d’insistance le concept de « souveraineté », un concept dont il faut interroger le contenu réel. Par exemple, sur le plan industriel, l’organisation mondiale des chaînes d’activité fait qu’il est impossible d’imaginer un retour à une autonomie économique, dans quelque filière que ce soit : les interdépendances économiques nous appellent à une autre conception de la reconquête industrielle, faite de coopérations internationales sans domination -Muriel vient de montrer sur l’affaire General Electric-EDF le verrou essentiel des brevets dans l’exercice de la domination économique!

Au-delà de l’ambiguïté entretenue entre souveraineté nationale, qui évacue le critère de classe, et souveraineté démocratique qui concerne les conquêtes de pouvoirs à tous les niveaux, la posture « souverainiste » conduit à deux prises de position discutables :

-nous serions pour « moins d’Europe », au moment où son affaiblissement est un des enjeux géostratégiques des initiatives américaines.

-une des premières mesures revendiquées par nos futurs parlementaires européens serait le droit de déroger aux règles communes, avec comme sous-entendu : changer les traités, mission lointaine, …ou déroger. Autrement dit, impuissance politique immédiate à changer le cours de l’Union Européenne (UE).

Notre campagne ne peut pas, ne doit pas être un « remake » de la campagne du NON de 2005, comme si rien ne s’était passé depuis 20 ans. Certes, les déficiences démocratiques, pointées dans le rapport d’Hélène, demeurent dans les institutions de l’UE, et les propositions pour les modifier sont pertinentes. Mais mesurons ce qui a changé :

-le « quoiqu’il en coûte européen » face à la pandémie, les plans de relance, autant de moments où l’Europe a transgressé ses propres règles.

-depuis la crise financière, le rôle nouveau de la BCE, qui a d’abord inondé les banques de monnaie pour soutenir les marchés financiers, ce qui a largement contribué à l’inflation actuelle, puis l’a contrée en faisant le choix de la récession, avec une montée des taux d’intérêt qui aiguise toutes les contradictions : explosion de la charge de la dette et austérité sans précédent sur les services publics.

L’euro est la mère des batailles politiques, sa transformation est un enjeu essentiel. La sortie de l’euro, que plus personne n’envisage, tout comme le statut quo qui en fait une monnaie au service des marchés financiers, à la remorque de la banque centrale américaine et de l’hégémonie du dollar, sont toutes deux une impasse. C’est pourquoi la problématique n’est ni « moins d’Europe », ni déroger, mais faire de faire de l’euro une monnaie au service des biens communs, ce qui nécessite des règles et des institutions communes. Or la question du financement est le point aveugle de notre communication aujourd’hui, oublié dans nos tracts.

Il n’est pas vrai que ce serait trop compliqué, les sondages témoignent d’une attente d’un projet européen : la transformation de l’euro peut être exprimée par des mesures concrètes, applicables maintenant, telles :

-un fonds européen pour les services publics financé par la BCE ;

-une politique sélective de crédits sur des critères d’emploi, formation et environnement ;

-des partenariats financiers avec les BRICS, échappatoire à l’extra-territorialité américaine.

La dimension « projet européen » de notre campagne doit être renforcée, sauf à prendre un gros risque sur le résultat du 9 juin.

 

Publié le 27 mars 2024 par

https://enavantlemanifeste.fr/ 

 

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commentaires

B
Evelyne pratique la dialectique . Nous sommes interdépendants et elle en tient compte sur une position de classe .
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