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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 10:00

Le texte de cet article a été mis en ligne la première fois sur ce blog le 17/09/2010

 

Révolutionner les conditions de l’échange

  l'ergologie (1) et l’anthroponomie (2)

 

berliguer.jpgLa société marchande a toujours subi des contestations des différentes formes qu’elle a connues à travers son évolution millénaire. Pour la simple raison qu’elle a favorisé depuis sa naissance, qui somme toute est récente dans l’histoire totale de l’humanité, l’enrichissement d’une part de la société au détriment de sa majorité.

 

Cet enrichissement inégal a pourtant permis un enrichissement global et un développement des forces productives, humains dans leurs capacités et techniques et moyens de production qui n’en sont que l’excroissance positive, comme toute formation de la nature.

 

Cependant plus les capacités productives se développent, plus l’enrichissement privé entre en contradiction avec l’enrichissement général parce qu’il prive l’humanité d’une partie toujours croissante des ressources nécessaire à ses besoins. C’est ce que dénonçait déjà des moralistes ou des « économistes primaires » comme Salvien à la fin de l’Empire romain. C’est aussi la source du christianisme qui en s’attaquant au comportements égoïste ne faisait que mettre en lumière un impérialisme antique reposant sur les inégalités de la société de classe. Mais pas seulement cela.

 

rochet.jpgQuand aux liens entre la propriété privée, l’enrichissement et les lois du capitalisme, forme avancée de la société marchande, et les lois du capital découvertes par Marx, ils ne sont pas des éléments séparés dans un fonctionnement global. Les lois du capital sont issues du fonctionnement global de la société marchande dans son évolution de l’échange, principe de toute société humaine, échange dont il a fallu déterminer des mesures marchandes.

 

Les mesures marchandes ne peuvent que refléter les lois de l’échange inégal de la société marchande et le processus « Argent-Marchandise-Argent plus » n’est que la contrepartie de l’appropriation privée.

 

Par contre la mesure de l’échange à partir du temps de travail intégré dans la marchandise a une double propriété : celle de répondre aux besoins en fonction de l’état des forces productives, et celle de limiter les besoins en fonction toujours de cet état des forces productives. C’est en quoi le socialisme et le communisme se différencient car il sont des étapes qui répondent à un état plus ou moins développé des forces productives. Entre parenthèses, cela ne nie pas la nécessité d’une transformation des mentalités elles-mêmes issues et en rapport dialectique avec l’état des forces productives, ou dit différemment, la question morale, capitale, est indissoluble de la question économique, même si c’est l’économie qui est déterminante en dernière instance.

 

travail et ergologie 0001Le siècle dernier à vu différentes formes pour infléchir la dictature de la mesure de la quantité de valeur, mesure dont découlent les prix malgré les variations dues à de multiples autres données de la production et de l’échange, en particulier les données découlant des réalités du développement historique, économique, du savoir, inégal.

 

En fonction de ce développement inégal et des caractéristiques de ce développement inégal et différent des cultures qui en découlent (différences et inégalités n’étant pas superposables), des réponses diverses ont été données pour tenter d’échapper à la contradiction entre besoins et mesure quantitative de la valeur. Dans les société issues « directement » du mode de production asiatique (où s'ajoutent d'autres conditions historiques propres, guerre, concentration ouvrière, capital étranger, nationalités, bourgeoisie naissante....) où par exemple la forme de propriété de la terre ne crée pas une mentalité massive de propriétaire privé, et où l’état des forces productives et des mentalités qui en découlent ne favorise pas l’intervention collective de toute la société dans les orientations politico-économiques, une forme de redistribution directe de la production, et l’échange en grand du produit de la force de travail à travers des accords non monétaires a pu être favorisée et se développer. Mais l’expérience nous a montré que ce type d’évolution peut concerner des sociétés issues d’autres traditions.

 

Vygotski 0001Dans les société « occidentales » ayant développé des formes de société marchandes avancées telles les sociétés capitalistes modernes, le XX° siècle a vu se créer à l’intérieur du capitalisme des formes de redistributions échappant en partie à l’échange marchand, en particulier à travers les services publics, mais pas seulement, puisque l’intervention du collectif qui introduit des éléments non marchands dans l’échange marchand peut se traduire par une introduction monétaire. C’est entre autre dans les propositions issues de la commission Eco & Po (dernier N° en illustration), la question de l’utilisation du crédit, du type de taxation etc…et de leur intervention dans l’organisation globale et individuelle du travail, du producteur dans toute son activité salariés et « libre » et de ses conséquences pour l’humain.

 

L’eurocommunisme d’un côté, les démocraties populaires et la société soviétique de l’autre ont été des formes qui malgré leurs différences et leurs oppositions tendaient à ce développement de l’échange non marchand. La bataille pour la démocratie en France (du Front Populaire à la Libération) et ou en Italie par exemple, avec les interventions de Jaurès, Gramsci, Rochet [manifeste de Champigny], Togliatti, Berlinguer [La proposta del compromesso storico] (et de tous les acteurs connus de l’histoire, pardon d’en citer si peu, et de tout un peuple) en est un témoin qui malgré sa renommée de mort historique n’en marque pas moins les dernières grandes luttes comme la défense des retraites, des services publics, des institutions de gestion démocratique.

 

BOCCARABien sûr il ne s’agit ni de bâtir des modèles, ni de négliger des expériences essentielles. Les luttes ont toujours eu à traverser des contradictions, des avancées et des reculs, des désespoirs et des espoirs.

 

Par exemple, les pays sous développés ou en développement : ce n'est pas leur volonté démocratique seulement qui détermine le social, mais leurs capacités matérielles et les moyens qui en découlent, que ce soit pour une démocratie ou une dictature. D'ailleurs, le système social au contraire découle de ces moyens. Les démocraties occidentales au début du capitalisme étaient faites pour la classe bourgeoise. La classe ouvrière en Angleterre ou des colonies anglaises n'en avait aucun avantage. Voir la situation de la classe ouvrière, le travail à cinq ans, le logement insalubre, les déplacements autoritaires, les confiscations massives des terres des paysans etc.... (Et ce n’est pas fini aujourd’hui, ni ailleurs ni ici). C'était une démocratie restreinte pour, à quelques uns. L'ignorance et les conditions de vie réglaient la participation du peuple en général. Les grandes conquêtes sont venues après lorsque et les besoins du marché et les luttes ouvrières sont entrées en conjonction pour que la démocratie s'élargisse. Cela a été une avancé de tous le siècle passé, remise en cause par l'instauration de techniques qui favorisent une accélération de la production, de la suraccumulation du capital qui en découle et de ses difficultés à se réinvestir, de sa crise et par l'autoritarisme qu'il doit déployer pour imposer des mesures à cette nouvelle dimension. Notre action pour nous en sortir a besoin de cette analyse et nos contre propositions en ont besoin aussi, c'est du moins mon point de vue.

 

eco-et-po.jpgCe qui détermine les décisions et mesures pratiques des uns et des autres, c’est l’état des forces productives en Europe, en Chine (pour répondre à cette nouvelle réalité souvent donnée en exemple) et dans le monde car cet état est lié mondialement, et les forces productives sont constituées des humains qui produisent et des moyens de production qu’ils utilisent, et ces forces productives vivent à un moment de l’histoire des régions du monde et du monde. Le déplacement de la classe ouvrière vers les zones de "non droit" est un grand handicap pour la classe ouvrière avancée  minorisée. Mais déplacer les contradictions dans l’espace ne les supprime pas dans le temps et dans leur globalisation.

 

Cette considération nous mène à rechercher en quoi, comment agir sur les modifications des forces productives pour orienter différemment la question des retraites et les questions sociales en général.

 

La démocratie par exemple, ce n’est pas seulement une volonté humaine d’être heureux, d’être libre, et avant tout ce qui la permet, c'est d’abord les besoins du marché qui a besoin du consommateur et qui a besoin d’un producteur libre de vendre sa force de travail et un patron libre de l’acheter. Et sa force de travail sera payée en fonction du développement historique de l’entité dans laquelle vivent le vendeur et l’acheteur de la force de travail et des relations entre cette entité et le monde. Plus évolue les capacités productives, plus évoluent les besoins liés au renouvellement de la force de travail, c’est une contradiction non de plus mais un aspect de la contradiction générale du capital.

 

BraudelLa désaffection des couches populaires de l’engagement politique pendant les deux dernières décennies et à certaines occasion ne peut être interprétée comme un refus de s’intéresser à son propre sort mais comme un rejet de leur défaite temporaire face à la reprise en main par la société marchande des créations démocratiques et de leur développement. La souffrance au travail et sa reconnaissance est un élément témoin essentiel de cette désaffection qui n’en est pas une, et d’une recherche d’une autre organisation du travail qui mette en cohérence et en harmonie « activité globale » de la société et « activité globale » de la personne.

 

la comparaison entre le nombre de paysans français il y a 30 ans et maintenant et le nombre de personnes nourries (c'est à dire beaucoup plus de paysans autrefois pour moins de bouches, ce qui prouve que l'état actuel des forces productives permet le maintient et le progrès des retraites actuelles ) dans les mêmes périodes pour montrer à quel point l’argument démographique est un prétexte et en quoi la solution dépend essentiellement des grands choix politico-économiques, liés bien sûr à la bataille pour une morale que notre Nicolas le Petit foule aux pieds en se présentant en outre comme le gentil contre tous les méchants, en inversant les rôles. Depuis Reagan, on savait que pour réussir en politique réactionnaire il faut être bon comédien.

 

14mai10 003Le renversement des rôles est une constante de tous les Etats et représentants d’Etat et du capital qui deviennent autoritaires et ont besoin de le devenir pour défendre les classes sociales privilégiées face à la montée des besoins populaires et de leur manifestation.

 

Mais ce renversement lui-même n’est pas la résultante d’une seule volonté de gagner par le mensonge, mais c’est en premier lieu le reflet de l’emprise de l’activité humaine telle qu’elle est organisée par le capital, sur l’individu. Parce que pour survivre l’être humain doit passer par l’organisation de l’activité qui lui en donne les moyens. Et dans l’état actuel c’est le capital.

 

Les contradictions d’ordre moral sont les premières à apparaître parce qu’avant que n’apparaisse les causes « matérielles », la soumission au système qui vous fait vivre nous les voile. Et la soumission ne peut éclater que par la double apparence dévoilée de la valeur d’échange dans ses contradictions et de la valeur morale qui lui est liée dans ses contradictions.

 

C’est bien ce que la crise morale reflète, que le système des « subprime » a révélé en tant qu’effet de l’appauvrissement par la crise et l’exploitation  qui sont un même mouvement, et que la contestation de l’immense  richesse privée et la morale du capital manifeste par « les affaires ».

 

Effet des contradictions « matérielles » et morales sont le double moteur des mobilisations populaires, l’économie étant déterminante en dernière instance. Notre relation à chacun de nous avec nos propres ressources à chacun de nous en est la preuve, pour peu qu’on imagine autre chose qu’une vie "robinsonesque" dans laquelle nous subsisterions.

 

Si l’histoire récente avait vu la poursuite des « systèmes soviétiques », c'est-à-dire que si dans la compétition les retards de Rabougrissement de l'esprit MARX le CAPITALtous ordres (technologiques entre autres et leurs conséquences sur les institutions populaires) n’avaient pas plombé ces sociétés, la question de la transformation qualitative de la mesure de la valeur, c'est-à-dire la transformation qualitative des conditions de l’échange auraient connu des rapprochements et des conjonctions, en particulier dans la constitution de grands « marchés » directs. Mais s’il n’y a plus de conjonction, il y a une multiplicité d’évolution populaire qui soit appelle à ce mouvement, soit participe à ce mouvement. En attendant une « masse critique » que le mouvement construit.

 

La domination impérialiste n’est plus ce qu’elle était. Mais l’avance des technologies civiles et militaires reste opérationnelle pour lui encore aujourd’hui. « L’atelier-Chine-dictature » (pour donner un exemple) n’en en pas encore la maîtrise par exemple aujourd’hui. Mais la montée de l’éducation ouvrière dans l’atelier-Chine et ailleurs, partout, en liaison avec toutes les avancées de toute sorte dans le monde est en relation dialectique avec la maîtrise de cette technologie et de ce qu’elle permet. La « démocratie du producteur », celle qui est un dépassement de la démocratie réservée à la bourgeoisie, dépassement qui tend au communisme, en dépend. Il est évident qu’à un moment l’impérialisme fera tout pour conserver cette maîtrise.

 

Aide au quotidien, espoir du futur, clairvoyance et fermeté, douceur et solidarité, sont un même mouvement positif indissoluble de l’existence humaine.

 

(1) Ergologie : voir travaux d'Yves Schwartz sur ce blog (et de nombreux articles)

(2) Anthroponomie : voir travaux de Paul Boccara sur ce blog  (et de nombreux articles)

 

Pierre Assante, 17 septembre 2010

 

Documents :

Le cas Bettencourt, Alain Morin, Revue Economie et politique :

http://www.pierreassante.fr/dossier/EcoPo_Alain_Morin_cas_Bettencourt.pdf

Finances locales et collectivités territoriales, Eco&Po, Marc Drevet :

http://www.pierreassante.fr/dossier/finances_collectivites_territoriales.pdf

Graphiques tirés de Le Monde Economie, evolution de la production mondiale :

http://www.pierreassante.fr/dossier/Graphiques_le_monde_Economie14.09.10.pdf

La Métamorphose du Travail, Pierre Assante :

http://www.pierreassante.fr/dossier/BLOG_LA_METAMORPHOSE_DU_TRAVAIL_5.pdf

Forces productives (693 Kb) :

dans la communication écrite ou parlée, les mots ne sont jamais tout à fait clairs car la représentation de chacun est différente, même évidemment s'il y a du commun, le commun principe de la communication.

Un mot représente l'objet ou la représentation de l'objet (ceci n'est pas une pipe mais le tableau qui représente une pipe. Encore plus complexe si le tableau ne comporte pas de pipe mais le mot "pipe" lui-même).

Lorsque l'objet est lui-même une représentation mentale, la communication ne se simplifie pas à moins que la communication soit très approfondie et comporte chez les interlocuteurs une représentation rapprochée ou une intuition commune de cette représentation. Mon illustration de Vygotski a un peu ce sens.

Concernant les forces productives, voici quelque extraits qui peuvent éclairer l'échange ?

On peut très bien apprécier des représentations différentes de la sienne propre à condition de les saisir au plus près possible. C'est le principe de l'échange. De même pour la représentations des évènements de l'histoire. Les difficultés de communication n'empêchent pas l'échange, heureusement , de même pour "les forces productives":

http://www.pierreassante.fr/dossier/Forces_productives.pdf

 

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commentaires

D
<br /> Deux points essentiels mériter d'être discutés. Le premier est celui des "forces productives". La vulgate marxiste distingue forces productives (bonnes!) et rapports de production (mauvais!) et le<br /> capitalisme est mauvais parce qu'il entraverait le développement des forces productives. Je n'ai rien lu de tel chez Marx, sauf quelque chose qui s'en rapproche dans l'Introduction à la Critique de<br /> l'économie politique et dont Marx dit que c'est non sa position mais ce à quoi il était parvenu dans les années 1845-48... Dans mon "Comprendre Marx", j'essaie de montrer en quoi ces "forces<br /> productives" ne sont qu'un pseudo-concept. Les forces productives, ça n'existe pas. Ce qui existe, ce sont les forces productives du capital et elles sont la même chose que les rapports de<br /> production capitaliste mais vu sous un autre angle.<br /> <br /> Deuxièmement, concernant l'Union Soviétique. Il ne faut pas s'arrêter en chemin. Il n'y a rien à sauver de l'expérience soviétique sinon la liste de tout ce qu'il ne faut surtout pas faire. L'URSS,<br /> ce fut le socialisme conçu comme généralisation du salariat et concentration du capital entre les mains de la nouvelle caste dirigeante. Un mixte de despotisme asiatique et de ce qu'il y avait de<br /> pire dans les utopies socialistes du XIXe. Costanzo Preve fait remarquer que la momification de Lénine est une des questions les plus importantes pour comprendre ce qu'a été réellement ce<br /> "communisme du XXe siècle" qui fut la négation la plus radicale du communisme. Au demeurant Staline a tué plus de communistes que tous les tyrans fascistes réunis.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Je me suis mis à rêver à une blogosphère où tous les articles seraient de cette qualité...<br /> <br /> Au plaisir de découvrir le prochain article.<br /> Jacques<br /> <br /> <br />
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