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21 décembre 2011 3 21 /12 /décembre /2011 07:40

COMPLEXIFICATION ET DISSOLUTION

Tout changer pour que rien ne change, NON

Mais que changer et comment changer, OUI.

 COMPLEXIFICATION ET DISSOLUTION. De la pensée unique à la pensée dissoute. Extrait du N° 10 de la revue lefebvrienne "La somme et le reste" d'Armand Ajzenberg publée par "Espaces Marx".

 

La somme et le reste N°10 extraitTout changer pour que rien ne change, c’est le très ancien programme des conservateurs assis sur leurs privilèges lorsque ceux-ci sont remis en cause par un mouvement populaire.

Que changer et comment changer, c’est la question qui préside à la construction d’un changement, sinon il serait question de jacqueries, aux côtés desquelles nous nous situerions, par solidarité, mais sans espoir d’aboutir.

Dans la question « que changer et comment changer », il y a une autre question : quelle est la réalité sur laquelle agir, les conditions pour atteindre les buts que nous nous fixons sont-elles réunies, comment les réunir, comment hâter le mûrissement des conditions nécessaires pour ces buts.

Il faut utiliser la logique pour comprendre, mais il faut aussi s’en méfier. Marx disait que la logique c’est « l’argent de l’esprit » (1). Elle donne des éléments de comparaison, comme l’argent en matière d’échange, mais des éléments abstraits, coupés des mouvements réels qui ont permis les objets d’échange.

 

1 Complexification et dissolution.

Les réalités sont complexes. Elles sont constituées de mouvements. Elles contiennent des mouvements contradictoires, certains simultanés, d’autres décalés dans le temps, certains rapides, d’autres lents, mais toute réalité est un mouvement. C’est dans les mouvements porteurs des changements que nous souhaitons, que nous devons nous insérer, en  les accompagnant, en les développant, en y rassemblant le plus de forces possibles.

Les forces de changement de société sont des forces humaines. Les techniques, leurs transformations, ne peuvent être que l’effet de ces forces humaines lesquelles sont liées aux transformations techniques (2).

Henri Lefebvre nous dit « Les machines ont appris aux hommes combien ils procèdent par disjonction, par dichotomie, par oppositions binaires, par contrariété, par « oui » et par « non », dans le langage dans les décisions.La machine révèle la vérité sur les structures du corps, du cerveau, du discours, de l’action, de la conscience….On voit poindre une « conception du monde » basée sur une jonction entre la linguistique structurale, la théorie de l’information, la théorie de la perception…La restitution dans le devenir cosmique et humain de ces considération -stabilité, équilibre, cohérence- s’accompagnerait-elle d’une dépréciation ou d’une élimination de ce devenir ?...Paradoxe, Le langage, le logos, le discours, deviennent prototype d’intelligibilité et « lieux privilégiés de la réflexion philosophique » au moment où, dans la pratique sociale, autour de nous, le langage se dissout, se détériore, se déplace au profit de l’image… »

  

la somme et le reste N°10La production des objets nécessaires à la vie (3), objets de « consommation courante », objet « d’éducation et de communication », objets de « services » et de « loisirs », objets de toutes sorte, est imbriquée dans une globalité, comme tous ces objet eux-mêmes les uns dans les autres parce qu’ils dépendent les uns des autres et de l’activité générale des humains.

 

La réalité, le mouvement, nos sens n’en perçoivent qu’une infime partie (4), la plus grande partie reste énigmatique (voir travaux d’Yves Schwartz et de l’A.P.S.T.) pour l’individu (5) comme pour le groupe humain. La recherche d’une cohérence dans l’activité humaine repose sur la partie qui nous semble évidente, mais cette évidence a besoin d’être vérifiée sans cesse par l’expérience, revue, modifiée, avec des « retours en arrière », des changements de bifurcation, des « arrêts » (6) et de nouveaux départs.

 

Un mouvement nous le percevons comme une simplification de l’existant, ou une complexification de l’existant, ou les deux selon les divers éléments qu’il contient qui pourraient être les uns simplifiés, les autres complexifiés (7). Les uns pour « changer tout pour que rien ne change », les autres pour changer vraiment, agir sur les injustices qui pèsent sur eux et sur le développement général, pour tous, de la société.

Simplification et complexification ne sont pas évidentes à observer et à déterminer. Il y a les multiples activités qui font la résultante globale des activités, du mouvement global et la connaissance leurs mouvements demande une recherche détaillée et approfondie.

 

2 Pluralisme organique.

Un exemple, essentiel celui-là : le passage de l’artisanat à l’industrialisation et de l’industrialisation mécanique à l’industrialisation informationnalisée et mondialisée, se revendiquent à la fois de la simplification et de la complexification.

L’argument est donné en fonction des décisions qui arrangent les groupes dominants financiers multinationaux ou plutôt mondiaux et nationaux et apatrides. Il y a quand même de fait le double mouvement de simplification et complexification. Mais ce double mouvement selon en quoi il consiste n’a pas le même effet : il aboutit aujourd’hui, après une évolution de quelques siècles du capitalisme à une DISSOLUTION des cohérences de développement des forces productives. Le capitalisme contenait d’ailleurs cela dès ses prémisses. Cette contradiction entre son action de développement des forces productives et dissolution de la cohérence des forces productives c’est développée pour devenir aujourd’hui et dans le futur un obstacle au développement humain, dans la totalité de ses diverses et multiples activités.

N’introduisons pas de conceptions déterministes en fonction des voies empruntées par la société, de ces bifurcations, mais usons de la connaissance de ces repères pour influer sur notre devenir. La troisième grande bifurcation-repère (8) est très récente, c’est celle de la manufacture et de la fabrique. La production-accumulation privée s’affranchit a) de la force motrice biologique, b) de l’adresse individuelle, particulière du producteur, c) de l’intelligence participative du producteur. Elles sont « remplacées », ou du moins dominées par la machine motrice, l’automatisation de la machine, la division entre exécutants et concepteurs (ingénieurs de production, secteur « intellectuel » de la fabrique). Toute la société est imprégnée de ce modèle dont la poussée révolutionnaire sur les forces productives est en déclin, extinction, et dont les contradictions demandent dépassement. Ce sont les conditions dites matérielles de vie qui déterminent la conscience. Mais, répétons-le, il y a autonomie (à la fois infinie et relative !), des idées et des sentiments par rapports aux conditions qui les ont crées et sur lesquelles elles agissent (choix humains). La société d’un moment ne peut donc se résumer à ce moment. Nous l’avons déjà dit elle contient les traces, les résidus et les permanences (9)

S’affranchir de l’adresse individuelle, particulière du producteur, de l’intelligence participative du producteur, est-ce une simplification, une complexification ou une dissolution des aptitudes humaines et de leur résultante sur le développement social ?

Certainement la concentration au somment de l’entreprise, du groupe financier, de l’Etat tant qu’il assure un équilibre « déséquilibré » tout en assurant un minimum aux plus faibles, assure un développement centralisé du savoir, des techniques,  global de la société. Mais ce développement centralisé permet-t-il une explosion généralisée des aptitudes humaines ou au contraire les réduit-il  à une exécution efficace à court terme et stérilisante à long terme ?

Que devient la relation entre la main et le cerveau ? Que devient la relation à l’intérieur du groupe humain ? Que devient la relation entre la main, l’individu, le groupe ? Que devient l’activité de conceptualisation entre la main, le cerveau, le groupe ? Quelle dévalorisation de l’individu, de la valeur d’usage de l’activité en fonction du sexe, de la place dans le système productif cela induit-il ? Je laisse répondre à cette question, l’essentiel étant de la poser ! Ou plutôt, je pose cette autre question : n’y a-t-il pas dissolution plus que complexification ?

 

Cela veut-il dire que le passage à l’industrialisation devait être évité ou qu’il induisait obligatoirement une dissolution ? Certainement pas ; ni que l’industrialisation devait obligatoirement suivre le parcours qu’elle a fait exactement. Ce passage induisait des contradictions qu’il faut résoudre, comme tout mode de développement. C’est l’intelligence d’un responsable politique que de se remettre en cause dans les choix de bifurcation collective et dans le rôle qu’il exerce dans une démocratie restreinte qui ne répond plus à l'évolution des forces productives, leur influence sur les mentalités. Le rapport nouveau qu'elles introduisent entre l'être humain et les sciences demande de dépasser tous les modes de gouvernement, de démocratie restreinte pratiqués jusqu'ici.

La construction d’un pluralisme organique de parti, de partis, de société, est une tâche première.

 

Autre exemple dans ce que nos gouvernements actuels appellent « la décentralisation » et qui est tout à fait lié aux transformations des forces productives par ceux qui veulent « tout changer pour que rien ne change ».

Lorsque la concentration au somment de l’entreprise, du groupe financier, n’assure plus une cohérence et que l’Etat, répondant à la situation d’informationnalisation et de mondialisation de ces groupes n’assure un équilibre « déséquilibré » en n’assurant un minimum aux plus faibles, il y a transferts des compétences.

Ce transfert répond à une hiérarchisation accentuée, hypertrophiée de la division du travail, laquelle se répercute sur le niveau de compétence et d’encadrement et sur le niveau géographique de cette division, et par conséquent sur les niveaux de financement. Cette « décentralisation » affranchit la domination des groupes financiers d’une cohérence d’Etat républicaine, de démocratie limitée mais avancée issue de la bourgeoisie révolutionnaire, de la période de lien relatif entre développement et profit.

 

3 Microcentrisme et auto-régulation consciente de l’activité par l’individu.

Dans ces conditions, l’action sur l’organisation du travail, la place des activités, le type d’activité, sa répartition entre femmes et hommes (10), entre générations, devient centrale. La contester, c’est déjà mettre du sable dans l’engrenage du système d’exploitation et c’est plus qu’une jacquerie. La contester c’est mettre en marche, dans l’opinion, dans la société une autre construction du développement humain.

Le passage de la pensée unique à la pensée dissoute est un élément de cette dissolution globale. Elle affecte tous les secteurs d’activité y compris les groupes humains se réclamant de la transformation sociale. Comme aux Etats-Unis d’Amérique elle induit une coupure entre les luttes sociétales et la lutte des classe au détriment de la seconde qui met plus en causes les profits capitalistes, mais surtout en isolant les unes de l’autre, rendant la seconde marginale, affaiblissant son effet sur la construction du devenir.

C’est LA CAUSE PREMIERE des divisions (11) dans les mouvements populaires tant au niveau des personnes que des organisations, et non les luttes internes qui s’y déroulent. Une cohérence de vue conduit au rassemblement, atténue les ambitions personnelles naturelles de l’espèce humaine, les rend au contraire complémentaire dans l’action concertée.

Elle rend une cohérence entre besoins et désirs, entre recherche de solutions et aspirations. En donnant des objectifs collectifs, construits dans un pluralisme organique (12), elle atténue les oppositions issues des positions acquises par les uns et les autres (13), que ce soit au niveau de l’usage des biens, comme des dominations d’individu dans le groupe restreint ou large.

 

Ces questions posent celle d’un changement de vision anthropologique. La recherche et l’éducation et l’action populaire ont besoin de se compléter (14), sans que cela se fasse au détriment l’une de l’autre, au profit de dogmes et de schémas qui ont toujours induit de nouvelles dominations.

 

Pierre Assante. Marseille. 19 février 2007

 

1 Voir aussi cette citation dans « Marx, une critique de la philosophie », Isabelle Garo.

2 « Métaphilosophie », Henri Lefebvre.

3 Et de même les objets non nécessaires à la vie, productions parasitaires, mais on il n’est pas question de juger arbitrairement de leur rôle utile ou parasite, comme l’ont fait par exemple le nazisme ou le stalinisme, bien qu’il ne faille pas les assimiler, parce qu’ils émanaient de mouvements totalement opposés dans les buts, donc dans  les engagements humains opposés qu’ils suscitaient l’un et l’autre.

4 Parce que l’activité humaine elle-même est énigmatique, et nous ne percevons qu’une partie de notre propre activité. Et nous l’apercevons en grande partie à travers le miroir de l’activité des autres.

5 « Le paradigme ergologique ou le métier de philosophe », Yves Schwartz

6 Il n’y a pas de retour ni d’arrêt de fait. Ce ne sont que des modifications dans les décisions humaines individuelles et collectives imbriquées. Ont ne refait jamais le chemin en sens inverse du temps, il faut donc inclure dans la recherche de la cohérence, la réflexion sur  les périodes dans lesquelles il nous a semblé manquer de cohérence au point de revoir d’une façon importante nos décisions. Il ne faut pas non plus attribuer à la cohérence trouvée une valeur absolue, car elle est elle-même en mouvement, dans les mouvements de société comme dans la résultante des ces  mouvements. C’est bien une erreur humaine courante d’attribuer à une cohérence supposée une valeur définitivement arrêtée.

7 C’est là qu’interviennent les humains dans la cité un peu à la façon dont fonctionnent les éléments du cerveau, c'est-à-dire dans leurs multiples et diverses relations. Mais la comparaison s’arrête là car la cité est société et le cerveau organe biologique dans la société.

8 Bifurcation-repère dans l’histoire générale de l’humanité, la première étant (schématiquement) le galet aménagé et la deuxième l’agriculture. Paléolithique et néolithique.

9 « La somme et le Reste », Henri Lefebvre.

Et la Revue « La Somme et le Reste », animée par Armand Ajzenberg, Espaces Marx

10 « Ne pas renverser le patriarcat mais le dépasser, Pour une émancipation dialectique des sexes », Karine Gantin, Espaces Marx

11 Un pluralisme démocratique est impossible dans ces conditions. Il ne peut y avoir dans le meilleur de cas qu’un consensus mou ou un consensus autoritaire.

La construction d’un pluralisme organique de parti, de partis, de société, est une tâche première.

12 La construction d’un pluralisme organique de parti, de partis, de société, est une tâche première.

Seule une autre vision anthropologique découlant des plus récentes connaissances scientifiques et d’une mise en cohérence pluridisciplinaires, dans le cadre d’un échange en synergie entre les chercheurs, les militants, le mouvement populaire, la population, peut permettre cette construction, en aller retour, en « symbiose », dans le quotidien et dans la recherche de perspective.

Seule une vision anthropologique peut créer les conditions d’un pluralisme organique en mouvement qui repose lui-même sur un développement qualitatif des forces productives.

Pour donner une cohérence d’ensemble, un microcentrisme est nécessaire qui prenne en compte les infinies diversités et la conscience d’une auto-régulation entre l’individu, le groupe restreint et le groupe large.

13 « Droit naturel et dignité humaine », Ernst Bloch.

14 « Bourdieu, savant et politique » Jacques Bouveresse.

 

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