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2 mai 2024 4 02 /05 /mai /2024 05:06

 

Frédéric Boccara

L'Humanité, DU 29.4.29.

« Couper dans les dépenses publiques, c’est comme se couper un bras pour aller mieux »

 

Économiste dans la statistique publique, Frédéric Boccara est onzième sur la liste de la Gauche unie pour le monde du travail conduite par Léon Deffontaines. Il nous explique pourquoi la création monétaire de la BCE est cruciale pour financer les dépenses des services publics et de la transition écologique. Pour l'économiste Frédéric Boccara, il est urgent de réformer les aides aux entreprises.

 


Le Pacte de stabilité, qui limite le déficit public des pays de l’UE à 3 %, a été réformé, mardi. En quoi reste-t-il une aberration économique ?

Il repose sur une conception des années 1930 qui a conduit l’Europe là où l’on sait. À l’époque, en Allemagne et en France, la baisse des dépenses publiques de 10 % avait été le terreau de la montée du fascisme. Le Pacte de stabilité a été amendé au motif de faire quelque chose de plus souple et réaliste.

Mais on voit bien que l’évolution n’est qu’un sparadrap, un enrobage superficiel pour faire passer la pilule du Pacte de stabilité qui est dure pour les peuples du Sud comme pour ceux du Nord. Les camarades de Die Linke (parti de la gauche antilibérale) nous indiquent qu’il manque en Allemagne 100 000 soignants et 14 000 enseignants.

Le Pacte de stabilité repose sur l’idée qu’il faut diminuer les dépenses et rembourser d’abord. Comme s’il fallait se couper un bras pour peser moins lourd et aller mieux après. On nous dit : « La dette ! La dette ! » Or, les dépenses publiques sont nécessaires au développement. En 1944, c’est ce qui a été fait avec des avances massives. Le développement, grâce à des dépenses nouvelles, a permis par la suite d’alléger le poids de la dette.

- De quel type de dépenses publiques a-t-on besoin ?

Les priorités sont le financement des services publics, qui servent à la vie des gens et forment l’écosystème de l’économie, de l’emploi et de la formation, ainsi que de la transition écologique.

- Pourquoi l’emploi et la formation sont-ils cruciaux ?

D’après l’Organisation internationale du travail (OIT), 77 % des entreprises souffrent de pénurie d’emploi qualifié à l’échelle planétaire, contre 35 % il y a dix ans. À l’hôpital, les fermetures de lits proviennent du manque de soignants.

Si l’on veut du fret ferroviaire, il va falloir des locomotives et en fabriquer. Mais, aujourd’hui, on manque de chaudronniers, d’électriciens. La question est donc celle de la formation et de l’emploi. Pour l’écologie, la créativité humaine et le travail construisent les solutions et les mettent en œuvre.

- Comment financer les services publics, la transition écologique, la formation ?

Nous devons comprendre ce qu’ont compris de longue date les néolibéraux : les banques centrales sont un enjeu majeur du pouvoir. Le problème de la dette n’est pas la dette en soi, mais les conditions de celle-ci. Les taux d’intérêt sont élevés : la France verse ainsi 50 milliards d’euros par an, soit autant que le budget de l’Éducation. Même l’Allemagne paie 60 milliards d’euros. La crise pourrait créer de la solidarité.

La Banque centrale européenne (BCE) est une institution publique. Elle nous appartient et a un rôle décisif. Nous proposons la création d’un fonds européen pour les services publics. Ce dernier serait intercalé entre la BCE et les États nationaux. Il recevrait la création monétaire de la BCE à 0 % et financerait les dépenses des États nationaux si ces dépenses financent les services publics et l’emploi.

Ce fonds aurait une gouvernance démocratique avec des représentants des États nationaux et des travailleurs. Il pourrait être lancé en se limitant, par exemple, à un fonds pour la santé et le ferroviaire. Des majorités politiques peuvent se dégager autour de cette proposition.

Par ailleurs, il faut transformer la politique de la BCE pour qu’elle finance les dépenses nouvelles des entreprises, et non des délocalisations. La puissance de la BCE est importante : elle représente 7 000 milliards d’euros. Elle a acheté 5 000 milliards de titres de dette publique, elle a accordé 2 000 milliards de refinancement de crédit aux entreprises. En comparaison, le budget européen n’est que de 170 milliards d’euros.

À gauche, certains comme Raphaël Glucksmann mettent un préalable fédéral et un impôt européen au fait de dépenser plus, mais sans toucher à la BCE. C’est dans un contexte de changement de politique monétaire qu’il faut une réforme fiscale.

Les libéraux vous objecteraient que le recours à la création monétaire est fauteur d’inflation.

Il y a inflation si la création monétaire n’est pas orientée vers la création de richesses. C’est ce qu’on a connu durant la période de pandémie : la création de monnaie a nourri le capital et non la valeur ajoutée. En revanche, on peut utiliser cet outil qu’est la création monétaire : elle crée un peu d’inflation au début mais elle est compensée par la création de richesse. Pour cela, il faut une sélectivité du crédit et une zone euro qui permettent de faire face aux marchés.

- Y a-t-il d’autres ressources pour financer l’économie ?

Les aides aux entreprises doivent être réformées. Elles représentent 200 milliards d’euros, selon la CGT ; 100 milliards d’euros, selon le gouvernement. Il faut imposer des critères. Ces aides doivent être conditionnées à la formation des salariés et à la création d’emploi.

 

L’Humanité, le 29 avril 2024. Publié par Gaël De Santis

 

https://www.humanite.fr/politique/banque-centrale-europeenne/frederic-boccara-couper-dans-les-depenses-publiques-cest-comme-se-couper-un-bras-pour-aller-mieux.

 

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