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27 mars 2018 2 27 /03 /mars /2018 10:25

De l’argent pour investir dans le service public

Sous prétexte qu’un endettement de 50 milliards interdirait toute perspective de développement du service public ferroviaire, une « règle d’or » impose depuis 2014 une limite aux investissements susceptibles d’être financés par SNCF Réseau (… sauf pour le très contestable CDG Express !). Pourtant, l’état dégradé des infrastructures, l’arrivée de nouvelles technologies économes en énergie pour lutter contre le réchauffement climatique, le besoin de cohérence entre les systèmes de transports à l’échelle de l’Europe, le besoin de consolider le statut des cheminots et de l’étendre à l’ensemble des salariés des transports, les perspectives de développement de l’emploi et de la création de richesses dans toutes les activités liées au transport ferroviaire, tout cela nécessiterait au contraire un vaste plan d’investissement dans le développement du service public des transports.

La question vitale n’est donc pas de se demander dans quelle poche on pourrait puiser de quoi rémunérer les compagnies d’assurances, les fonds de placement et les multinationales qui détiennent actuellement les titres de

dette émis par la SNCF. Elle est de savoir comment on peut libérer l’économie de ce coût du capital (chaque année, les transports ferroviaires rapportent 2,7 milliards aux banques et aux compagnies d’assurances, près du tiers de ce qui revient aux hommes et aux femmes qui assurent ce service public (1) !) pour rendre à l’entreprise publique les moyens de réaliser les investissements indispensables.

Lorsque ces investissements seront réalisés, non seulement ils répondront à des besoins sociaux et écologiques majeurs mais ils permettront la création de valeur ajoutée, de revenus et de recettes supplémentaires pour la SNCF et pour les finances publiques. Mais en attendant, il faut de l’argent tout de suite pour les réaliser !

Continuer de recourir aux marchés financiers assoiffés de rentabilité tout en injectant de l’argent public à tour de bras dans des « partenariats public-privé », c’est continuer de soumettre le service public des transports ferroviaires aux aléas de la mondialisation financière, c’est totalement irresponsable.

Une autre solution est possible : la BCE et les 19 banques centrales nationales qui, avec elle, forment l’Eurosystème, ont créé depuis trois ans 2 500 milliards d’euros qu’elles ont injectés sur les marchés financiers. Elles accroissent cette somme de 30 milliards par mois, un milliard par jour ! En pure perte : l’argent reste dans les circuits financiers et ne sert qu’à faire monter les cours des titres spéculatifs, préparant un prochain krach pire

que celui de 2007-2008.

Agents et usagers du service public ferroviaire, salariés des industries qui contribuent à la construction des infrastructures, des matériels et des systèmes de gestion du trafic, salariés des banques qui devraient les financer, habitants des territoires où ces industries sont implantées, citoyens européens au nom de qui cet argent est aujourd’hui dilapidé, tous nous avons le droit d’exiger qu’il soit utilisé autrement. Le contre-projet présenté par la fédération CGT des Cheminots donne une base extrêmement crédible à cette exigence.

La BCE – elle en a les moyens – pourrait acquérir une partie de la dette actuelle de la SNCF pour la transformer en une dette à très long terme et à 0 %, après le transfert de cette dette à une caisse de defeasance, comme le propose la CGT Cheminots.

Plus important encore, l’argent créé par l’Eurosystème devrait servir à financer un fonds de développement du service public des transports ferroviaires dans toute l’Europe. Porteur de projets d’investissements démocratiquement élaborés dans chaque pays et soutenus par des mobilisations citoyennes, il aurait le statut d’établissement de crédit qui lui permettrait, au titre de l’article 123, paragraphe 2, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’obtenir les fonds nécessaires auprès de la BCE pour accorder des crédits à taux très avantageux (aujourd’hui, le taux des prêts de la BCE aux banques est normalement de 0 % et peut descendre jusqu’à -0,4 %). Une partie de l’argent créé par l’Eurosystème y suffirait. Une autre partie pourrait servir, de la même façon, à répondre aux besoins de développement de l’hôpital et des systèmes de santé, des universités et de la formation professionnelle, et de tous ces services publics que la dictature des marchés financiers est en train d’étouffer dans toute l’Europe (2).

Ce fonds européen agirait de concert avec un pôle financier public et avec la

Banque européenne d’investissement pour inciter les banques à financer les investissements et les coopérations entre firmes industrielles productrices d’équipements ferroviaires comme Alstom, Siemens, CAF et Bombardier, au lieu du bradage d’Alstom à Siemens aujourd’hui orchestré par le gouvernement pour le plus grand bénéfice des actionnaires de ces groupes. Une nouvelle sélectivité de la politique monétaire contribuerait à ce que ces nouveaux crédits soient accordés à des taux très bas, voire négatifs.

Il est possible d’agir tout de suite : qu’attendons-nous pour lancer une pétition citoyenne exigeant que le gouvernement français prenne l’initiative de proposer la création d’un fonds pour le développement des services publics en Europe, financé par la création monétaire de la BCE ?

Ce serait une première bataille pour s’attaquer au cœur de la construction européenne actuelle et pour créer les conditions politiques d’un tout autre cadre de coopération entre peuples et États librement associés sur l’ensemble du continent.

Denis Durand, l'Humanité, 26 mars 2018

(1) Commissariat générale au Développement durable, 54ème rapport de la Commission des comptes des transports de la nation, juillet 2017.

(2)Cette proposition est présentée en détail dans la note de la Fondation Gabriel-Péri, Financer l’expansion des services publics en Europe. Mobiliser la création monétaire de la BCE dans un Fonds de développement économique, social et environnemental européen, mars 2017.

 

QUELQUES RECUEILS ET LIENS de ce blog sur ce lien :

http://pierre.assante.over-blog.com/2018/01/pollution.html

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