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Conseil national du PCF du 16 mai 2025. Interventions de Fréderic Boccara – Denis Durand-Thalia Denape.
https://enavantlemanifeste.fr/
Le débat a avancé au CN, cela doit être pris en compte dans l’expression publique du parti.
Frédéric Boccara
1ère intervention
La résolution proposée sur Trump et la guerre économique [avant amendements de la résolution dont depuis certains ont été intégrés dans la résolution adoptée, que j’ai votée] devait synthétiser la note de la commission économique et tenir compte du débat du CEN sur la base de cette note, débat qui a, pour l’essentiel, proposé deux modifications : prendre le cas Arcelor-Mittal comme un cas phare de cette bataille pour une autre mondialisation, mieux spécifier les propositions pour la France. Au lieu de cela, on a reçu un texte assez contradictoire et, parfois, presque « franchouillard ». Je vais donc proposer des amendements, tout en soulignant que s’installe une sorte de méthode qui me met mal à l’aise, car ce n’est pas la première fois : consacrer le CN à trouver un texte qui, par des formules verbales, permet de tenir des dosages de sensibilités des camarades, sans un véritable débat de fond. Et ceci, au lieu de discuter de la mise en œuvre pratique des décisions et de la mobilisation du parti pour construire des mobilisations.
J’espère qu’avec les amendements que nous proposons, on arrivera à redresser ce texte entaché de souverainisme et qui prend mal la mesure du tournant et des réponses originales à faire. Mais je crains que, comme c’est en train de devenir une habitude, une fois le texte remis sur pieds, pour obtenir un vote favorable du CN et que l’équipe dirigeant se prévale de ce vote comme d’un quitus, les principaux dirigeants médiatiques n’en tiennent pas compte dans leurs interventions et que l’orientation du texte n’imprègne pas la politique du parti, à l’instar de ce qui se passe avec l’orientation de fond du 39è congrès qui est loin d’être mise en œuvre.
Tout d’abord, il faut insister sur le tournant qui est en train de se produire dans le monde. Une nouvelle phase se cherche. Il est important d’en tenir compte. Le texte doit le souligner.
Cette recherche s’explique par la crise du capitalisme avec deux dimensions importantes, (1) la crise du taux de profit, y compris pour le capital US (2) la base sociale US qui « flanche » et que Trump veut séduire pour la ramener dans le droit chemin. Cette recherche d’une nouvelle phase s’explique aussi par le défi de la Chine, considérée comme un « rival systémique », et au-delà des BRICS et de l’influence que la Chine peut avoir sur l’ensemble du monde.
La visée de Trump comprend au moins trois aspects : un deal tout particulièrement avec l’UE et les pays qui la composent ; obtenir l’entrée d’investissements étrangers productifs importants aux Etats-Unis de la part des multinationales des autres pays ; conforter et/ou sauver la domination du dollar comme monnaie mondiale de financement.
Dans la résolution, nous devons donc reprendre un paragraphe qui, comme dans la note, dise quelle est notre visée. Qui donne un sens à la bataille qui commence. Ce sens, c’est : « ni libre-échangisme fou, ni protectionniste souverainiste et nationaliste, mais des protections sociales et écologiques, pour le commerce et l’investissement internationaux ». Il s’agit, deuxièmement, de « mettre en commun nos forces entre pays pour relever des défis qui sont eux aussi communs (climat, pauvreté et inégalités, emploi, dettes publiques, nouvelle industrialisation, services publics). C’est-à-dire développer de nouveaux types de coopérations et des productions, dont beaucoup de « co-productions ». D’où, pour les défis communs, une monnaie commune mondiale et l’exigence de son utilisation selon des critères précis. D’où, aussi, le besoin d’institutions internationales nouvelles, de coopération.
Cela implique non pas de simplement affirmer et développer la France, mais de la développer tout autrement, en même temps, que d’autres types de coopérations internationales. IL faut traiter en même temps la France et l’international et l’UE.
La réponse de l’UE est, pour l’instant, une sorte de capitulation « munichoise » tout en poussant encore plus l’idée de libre-échange, avec par exemple l’idée d’une zone US/UE avec 0% de droits de douane (hors mesures de Trump, ils sont autour de 3%). C’est-à-dire que l’UE se positionne sur la conservation des règles et principes du libre-échangisme fou.
Le patronat européen en profit pour exercer un chantage : exportations de capitaux et investissement accrus aux Etats-Unis, et exiger d’aller encore plus loin dans la diminution des normes environnementales, sanitaires ou autres.
Nous devons, je crois, dire que le moment est maintenant celui d’un changement des règles ! Il faut des règles de protections sociales et écologiques, et même des règles de promotion, associant des pénalisations et des incitations.
L’heure est, voyons le bien, à un autre type de mondialisation. Non pas la radicalité illusoire d’une « dé-mondialisation », car il faut produire et produire en commun, car on ne fera jamais tout tous seuls. Il s’agit de partager les ressources (monnaie et technologie), mais tout autrement que le fait le capital avec le monopole des multinationales sur ces ressources et leur utilisation, monopole conforté, voire organisé, par l’UE, la BCE, jusqu’au FMI. Il faut orienter les ressources en priorité en faveur de l’emploi et de la formation. C’est cela qui est décisif.
C’est pourquoi, nous récusons l’austérité renforcée que Bayrou veut imposer avec ses 40 Md€ en moins dans le budget de l’Etat contre les services publics, l’emploi et la formation, tout en augmentant les dépenses d’armement !
C’est pourquoi, nous insistons en faveur d’une autre mondialisation.
C’est pourquoi, enfin, il ne faut pas non plus entrer dans un suivisme du discours patronal de « priorité à l’investissement ». La véritable question qui se pose, en matière d’investissement, est : investissement contre l’emploi ou pour l’emploi ? C’est cela qui se joue aussi bien dans les entreprises que dans les services publics. Car le patronat récupère l’exigence de développement pour que faire en sorte que l’argent aille à l’investissement contre l’emploi et la formation, c’est-à-dire qu’il aille au capital. Alors qu’il faut l’inverse : embaucher, former, protéger les emplois, mieux les rémunérer. Et l’investissement doit suivre et appuyer l’emploi, non l’inverse.
On voit bien comment, les patrons récupèrent en même temps la bataille d’idées et les aides publiques pour conforter le capital et ses profits. Ceci y compris en mettant des conditions aux aides, car elles ont des conditionnalités : par exemple pratiquer des bas salaires pour bénéficier des exonérations de cotisations sociales !
Donc la grande question politique n’est pas de trouver 200 ou 500 Md€, ce que laisse croire le projet de résolution, mais plutôt celle des critères d’utilisation de ces 500 Md€. D’autant plus que nous voulons que la patronat et les profits contribuent. C’est pourquoi il faut insister sur la mobilisation du pôle public bancaire (le crédit sélectivement bonifié permet d’orienter l’utilisation de l’argent avec des critères, tandis que les profits sont obligés d’être consacrés au remboursement de ces types d’investissements). Cette histoire de Fonds de 500 ? Mds fait en outre disparaître notre revendication de Fonds pour les services publics.
Cette question des services publics m’amène à dire que c’est une guerre de classe du capital… contre toute la société, et pas contre les seuls travailleurs.
Cette tendance à s’enfermer dans le « travail » est une erreur politique. Il faut voir la bataille idéologique du grand patronat et la droite pour s’échiner à nous y enfermer avec leur « travailler plus », ou avec la « valeur travail ». Mais précisément, le travail ce n’est pas des emplois. On peut avoir du travail par-dessus la tête, épuisant, parce que précisément il manque des emplois, des qualifications, ou que les investissements ou l’organisation du travail sont inefficaces. La question politique est donc celle des emplois, à créer, et de la formation, avec derrière l’enjeu des capacités humaines, qui dépassent largement celles du travail, et renvoient au développement de la personne humaine. Tout un projet de société du 21è siècle, au rebours du « travaille, travaille, travaille et tais-toi ».
C’est la même chose quand ils prétendent que les cotisations sociales « pèsent sur le travail ». C’est faux. Elles pèsent sur le produit du travail. Plus précisément sur la partie profit du produit du travail. Et elles permettent de développer toutes les personnes, dont les travailleurs.ses… au-delà de leur seul travail.
La campagne de la droite et du patronat sur le travail veut cacher le capital, son coût et ses responsabilités.
Le projet de résolution voit l’attaque contre les travailleurs, mais en étant trop franchouillard, il traite l’enjeu international à côté du reste, il ne traite pas ― ou très insuffisamment ― l’enjeu financier de classe qui sont les critères des dépenses : priorité pour les capacités humaines (emploi et formation).
Il y a un sens à donner : coopération et capacités humaines. Les interventions qui m’ont précédé, comme celle d’Esteban, ont insisté à juste titre sur l’énorme exigence de qualification et sur le fait qu’on co-produit, on « co-travaille » en coopération entre plusieurs pays. Le sens à donner c’est celui de la coopération et de la priorité aux capacités humaines.
C’est pourquoi le titre devrait devenir « Priorité aux capacités humaines, en France et dans le monde », plutôt que le « prenons la main sur la production en France », qui évite l’enjeu de classe et coupe l’enjeu français de l’enjeu mondial.
Enfin les interdépendances technologiques sont complètement omises. Elles sont pourtant fondamentales, y compris pour Arcelor : que vaudrait une nationalisation, si Mittal-monde monopolise les technologies et fait payer leur utilisation à Arcelor France au point de pomper sa VA et de mettre Arcelor en difficulté ?
J’ai donc 6 remarques pour les propositions de la résolution :
- Pour Arcelor, il faut introduire les technologies, les banques (pour les investissements à venir) et des pouvoirs des travailleurs. Par parenthèse ST Microelectronics ou Atos sont des dossiers au moins aussi importants et stratégiques qu’Arcelor
- Contre l’austérité, il faut un Fonds pour les services publics financé à 0%
- Le parti doit organiser des conférences de formation sur la mondialisation dans au moins chaque région
- Nous devons organiser et annoncer une conférence internationale pour une monnaie commune mondiale
- Nous devons poser la construction d’une mobilisation nationale pour l’emploi, sous une forme et dans une échéance qui restent à déterminer
- Enfin, sur les retraites, nous ne devons pas seulement dire « abrogation » de la réforme, ce qui aide peu le mouvement, mais aussi ― surtout ― porter nos propositions de financement nouveau : cotisations additionnelle sur les produits financiers des entreprises, surcotisation par un taux plus élevé de cotisation pour les entreprises qui taillent dans l’emploi et les salaires. Voyons la contre-attaque de Macron et Bayrou et relevons la !
FREDERIC BOCCARA
2è Intervention
(Elections)
- Concernant les législatives, je fais partie des quelques membres du CN qui ont refusé « l’accord » des législatives, dès celui de 2022, qui ne nous réservait que 50 circonscription et, ce qui est tout aussi grave, nous évinçait des circonscriptions où nous sommes forts, où se trouve notre électorat. Là-dessus, je continue à être particulièrement critique. Mais on ne peut pas mettre de côté la question de l’union et du programme signé pour le NFP, alliance imposée par notre peuple. La bataille que nous avons alors menée sur son contenu économique a porté. J’avais, alors que nous avions obtenu des avancées supplémentaires importantes dans l’accord proprement économique, été censuré par la direction du parti, été interdit d’intervention à la conférence de presse, contrairement aux négociateurs des trois autres composantes du NFP. C’est un fait incontestable, qui illustre la crainte de l’équipe dirigeante à impulser les débats de fond, économiques, à gauche, pour des raisons que je n’arrive pas à comprendre.
Dans le conjoncture actuelle, nous devrions poursuivre cette bataille d’idées, pour débattre avec l’ensemble de la gauche sur les points importants pour conjurer les échecs passés de la gauche, notamment celui de en 1981-82, et non pas donner l’impression de valoriser des bisbilles. IL y a un potentiel important pour déplacer, sur le fond, le centre de gravité de la gauche, comme l’a montré la rencontre du 29 mars contre l’austérité organisant le débat entre les 4 principaux courants de la gauche.
Nous avons là un point idéologique fort dans toute la gauche ? Appuyons nous dessus.
Pour avancer, à l’occasion du déclenchement de la bataille économique par Trump, nous pourrions proposer publiquement que les partis de gauche se rencontrent pour mettre à jour le programme économique. En particulier, il ne dit mot du dollar et de la question d’une monnaie commune internationale.
Prenons les devant de façon offensive, plutôt que d’avoir une stratégie implicite, non discutée, qui risque de nous amener dans une situation où nous serions menés à aller à Canossa au dernier moment.
Le débat sur l’utilisation de l’argent sur les questions de classe c’est cela qui compte. D’autant que, ça flanche à gauche pour concilier avec l’austérité et se répartir la pénurie, de Lucie Castets (sur les retraites) à Hadrien Clouet (sur les personnels soignants).
Il nous faut par exemple prendre l’offensive sur le financement des retraites, là où le programme du NFP contient un peu tout et son contraire (renforcement de la cotisation …. et CSG !).
- Nouvelles institutions
Nos propositions et analyses sur les institutions ne portent pas seulement le renforcement du parlement, absolument nécessaire. Elles incluent aussi la proposition de nouvelles institutions, pour ce que j’appelle, une république non seulement sociale et démocratique, (legs du mouvement ouvrier et révolutionnaire depuis 1848) mais aussi autogestionnaire et internationaliste.
Ainsi de nos propositions pour des institutions de planification, à la fois démocratiques, décentralisées et coordonnées, mais aussi ayant pouvoir de mobiliser des financements de façon incitative ou pénalisatrice, avec des droits de suivi. C’est très original, tout en répondant à ce qui monte, aussi bien dans les luttes sociales sur les licenciements, que dans les mobilisations écologiques, ou celles sur les hôpitaux, ou encore une partie des mobilisations des gilets jaunes.
Ce sont aussi des propositions qui valorisent un rôle nouveau des CESER et du CESE, pour l’élaboration et le suivi, ainsi que pour dialoguer avec les exécutifs (national ou régional) et les assemblées.
Tout ceci en lien avec nos propositions pour de nouveaux pouvoirs des travailleurs et habitants sur les entreprises… qui ne sont pas seulement des propositions d’institutions « sociales », mais des propositions proprement « politiques », visant à réduire la fracture entre le politique et l’économique, consubstantielle aux principes fondateurs du capitalisme, séparant les pouvoirs du patron et celles des institutions politiques, le CME (capitalisme monopoliste d’Etat) ayant organisé au sommet de l’Etat le monopole du dialogue et de la « synthèse » entre eux.
- Municipales
Trois questions me semblent très importantes.
- La première, c’est celle des finances locales, nous devons la mettre très en avant pour porter nos propositions de réforme du financement des communes, ainsi que notre proposition d’un financement à 0% des dépenses des collectivités par le pôle public bancaire.
- La deuxième, c’est d’insister sur la mise en cause presque identitaire des échelons que sont les communes et les départements en les vidant de leur autonomie fiscale. Les municipales ne sont en effet, pas seulement un moment de « promesses et d’engagements », elles sont aussi un moment de mobilisation des populations, y compris pour désigner des élus de lutte.
- La troisième, c’est de porter notre proposition d’institution nouvelle, que constituent les CESEL (comités économiques sociaux et environnementaux locaux), comme instruments que nous pourrions mettre en place, instruments de mobilisation, portant sur l’évaluation des besoins, mais aussi sur l’élaboration de propositions et l’interpellation des banques et des autres pouvoirs concernant les entreprises et le développement de l’activité.
Intervention de Denis Durand.
Je constate trois décalages.
En premier lieu, un décalage entre l’ampleur des bouleversements internationaux, et des périls qui montent dans le pays même d’une part, et d’autre part notre action publique qui s’en tient trop souvent à de la communication au jour le jour.
Je prends un seul exemple, celui des retraites. On annonce que les parlementaires communistes vont déposer une proposition de loi pour abroger la réforme Macron. Mais Macron a dit non à un référendum. La seule façon de faire évoluer les choses, c’est une mobilisation comparable à celle de 2023 : mais nous savons maintenant qu’on ne réussira pas une telle mobilisation sur la retraite à 62 ans. Seule une perspective de progrès, la retraite à 60 ans avec prise en compte des années d’études et de la pénibilité, peut réveiller la combativité. La CGT tient bon sur ces revendications, mais aujourd’hui elle est seule. Toutes les forces politiques ont accepté qu’elles soient écartées de l’ordre du jour. La responsabilité d’un Parti communiste, et nous pouvons le faire, c’est de montrer comment une alternative est possible. Comment on peut augmenter les ressources de la Sécurité sociale en générant des cotisations. Pour cela, nous proposons d’agir sur les entreprises en modulant à la hausse les cotisations pour celles qui font des profits financiers au lieu d’augmenter l’emploi et les salaires. Ce sont ces propositions très précises qui devraient faire l’objet d’une proposition de loi. C’est comme cela que nous aiderons vraiment le mouvement syndical, et non pas en nous ralliant au défaitisme dès qu’on arrive sur le terrain politique, c’est-à-dire sur celui du financement.
Il s’agit au fond simplement de mener bataille sur notre projet pour les retraites. Nous en avons le potentiel militant, et nos propositions s’inscrivent dans un projet de société, pour la France, pour le monde et pour l’Europe, qui été discuté, amendé, travaillé, adopté de façon très démocratique à nos congrès.
Et c’est là le deuxième décalage. Notre projet n’est pas souverainiste, étatiste, autoritaire comme le projet de résolution, dans son état actuel, pourrait en donner l’impression. C’est une extension sans précédent de la démocratie pour la prise de pouvoir par les travailleurs sur l’économie. Par exemple, les formes de planification que nous proposons sont radicalement différentes de tout ce qui a été fait dans le passé.
Ce décalage entre notre projet et notre discours nous a coûté très cher aux élections européennes. Mais nous sommes aujourd’hui dans un moment où la cohérence du projet communiste permet d’ouvrir un dialogue très productif et très rassembleur à gauche, comme nous en avons eu l’expérience, entre autres exemples, à la rencontre contre l’austérité, organisée par Économie&Politique le 29 mars dernier, et on le verra encore samedi 24 mai à la rencontre de la fondation Gabriel Péri sur la crise du capitalisme monopoliste d’État.
Enfin, troisième décalage lié au précédent, le décalage entre ce qui est fait et ce que les militants voudraient. Les communistes sont très conscients de l’importance des élections municipales, des alliances nécessaires, ils vont mettre toutes leurs forces dans la campagne et nous aurons des élus. Mais cela ne suffira pas pour satisfaire les attentes des communistes et construire l’unité du Parti. Nous ne construirons pas un parti puissant et influent en nous coulant dans le moule des institutions existantes. L’engagement des communistes est d’agir pour transformer l’ordre existant, dans un projet et avec des actions qui intègrent toutes les avancées de la démocratie bourgeoise, et les développent jusqu’à aller bien au-delà de ses limites et de ses délégations de pouvoirs.
Il faut réduire ces trois décalages. Avec notre potentiel militant et la force de notre projet, nous en avons la possibilité, à condition de faire davantage confiance au Parti.
Thalia Denape
Je suis assez étonnée d’entendre autant parler d’investissement et de la nécessité « d’investir » en France dans des interventions ce soir au siège du PCF. On le retrouve aussi dans la résolution.
Et j’aimerais revenir sur ce terme utilisé à mon sens dans une perspective qui nous dessert et ainsi préciser le sens de plusieurs amendements que nous avons proposé.
L’investissement, c’est ce qui sert à accumuler le capital contre le travail, contre l’emploi aujourd’hui. C’est l’intensification du travail pour les gains de productivité au service de la « compétitivité ». Jonathan l’a parfaitement bien montré dans le cas de l’agriculture, et je me joins à son analyse. L’investissement chimique dans l’agriculture contre les dépenses humaines créées une situation de suraccumulation du capital qui empêche de répondre aux besoins des populations. L’hôpital est un parfait exemple également d’investissement qui aboutit à des fusions d’hôpitaux avec réduction du personnel et les déserts médicaux qui en découlent. Dans mon
métier, je suis enseignante, c’est l’IA et le numérique qui nous est vendu pour améliorer la pédagogie et les « projets », au détriment d’embauche pour réduire le nombre d’élèves par classe et au détriment de la qualité de la formation des enseignants.
Alors oui, en Europe, l’investissement est atone, les équipements vieillissent : l’investissement réalisé par le patronat est inefficace, absurde pour ceux qui travaillent dans les entreprises et les services publics. Et cela inquiète le patronat, évidement. Bien sûr, parce que c’est le signe de la suraccumulation, on arrive au bout du système, ils essaient encore d’accumuler du capital, mais c’est de moins en moins efficace, cela permet de moins en moins de dégager du profit supplémentaire. Justement parce que on délaisse les dépenses humaines.
L’investissement, c’est la réponse du patronat à la crise : Le Plan Junker en 2015, c’est l’Europe qui décide de milliards d’investissement pour avoir une « ambition de favoriser les investissements susceptibles d’accroître la compétitivité de l’Europe ». Le rapport Draghi prévoit lui aussi un grand plan d’investissement en Europe. Mais La mise en avant de l’investissement comme réponse à la crise évince deux choses essentielles pour les communistes :
- C’est bien le travail qui créée les richesses, non les machines, les robots, qui est du travail mort. Et on manque d’emploi, de formation, parce que le capital en a fait l’économie pour son accumulation. L’investissement, c’est-à-dire la dépenses en capital, est aussi de moins en moins utile parce qu’on manque de dépenses dans la recherche, dans des emplois de chercheurs qualifiés, formés, capables d’innover dans des technologies pour aider le travail.
C’est donc l’emploi qui tire l’investissement et non l’inverse ! - Dire « il faut investir » évince le « pour produire quoi et comment ? ». On ne cherche pas à faire redémarrer le système, on cherche à le transformer et produire tout autrement.
Ce qu’on veut c’est un nouveau type de productivité qui repose sur les capacités humaines, contre les logiques de compétitivité. On veut l’emploi digne qui est le mode d’organisation sociale du travail qui permet des droits, une protection sociale et qui sort du travail sans limite, sans place au repos, aux loisirs, à l’engagement.
Mais il faut effectivement des capacités humaines équipées par des outils performants qui sont possibles par le développement des dépenses dans l’humain d’abord. - Ne rentrons pas dans le discours suiviste du patronat sur l’investissement. Nous avons besoin d’un discours plus dialectique sur ce sujet.
Renversons la logique en prônant l’emploi et la formation en priorité sur l’investissement, mais en articulant les deux parce qu’on a besoin d’outils, équipements efficaces. Mais il faut de l’emploi pour cela, c’est l’emploi qui crée, y compris les machines, les technologies. On ne fera pas d’investissements sans emploi. Ce n’est pas un choc d’investissement qu’il nous faut, C’est un choc d’emploi et de formation pour nos services publics et notre industrie. C’est la seule manière de dépasser les défis que posent la guerre commerciale lancée par Trump aujourd’hui, de générer de la croissance économique qui réponde aux besoins, sans tomber dans l’opposition libre échange ou souverainisme.
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