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9 septembre 2022 5 09 /09 /septembre /2022 06:45

 

 

 

REVUE

"ECONOMIE

&

POLITIQUE"

 

 

 

 

 

Les racines historiques de la crise italienne

Un capitalisme national réactionnaire,

Le vide laissé par l’autodissolution du PCI.

 

 

SUR CE LIEN, dans la revue "Economie & Politique :

https://www.economie-et-politique.org/2022/09/07/les-racines-historiques-de-la-crise-italienne/

 

 

Pierre Assante

Les racines historiques de la crise italienne

 

Comme toute entité nationale, l’Italie procède, dans les événements actuels, d’un héritage dont il faut rappeler la teneur et qui explique au moins en partie la réalité d’aujourd’hui.

Elle est héritière d’États avancés de la Renaissance tant dans la révolution scientifique et technique que dans l’organisation sociale, économique, politique et culturelle. La Toscane par exemple est un des premiers États dans le monde à connaître les prémices d’un capitalisme en construction. Marx rappelle déjà que cet État a connu les débuts du salariat. En le substituant progressivement, en faible part certes mais avec anticipation, au servage et à l’artisanat, elle a produit aussi des Galilée, des Machiavel, des Léonard de Vinci.

Mais la division de ces puissants États avancés de l’Italie ne lui a pas permis de faire face à la montée des États centralisés (Espagne, France, Angleterre…) bien que moins avancés, à leur puissance de feu et à leur organisation militaire en particulier.

Déjà Pétrarque, au XIVe siècle, appelait à l’unité de l’Italie. Pourtant, après une longue période de dominations étrangères et de déclin, c’est seulement en 1860 que de nouvelles forces de la bourgeoisie, non autonomes des grandes puissances d’alors, ont réussi à construire une unité nationale (lire Il Gattopardo de Tomasi di Lampedusa). La convergence négative de ces éléments a conduit ces États, si avancés à la Renaissance, à un retard économique qui n’a commencé à être comblé en partie que dans les années mussoliniennes puis dans l’après-guerre avec l’aide intéressée du capital US venu la « libérer ». Mais l’essor économique résulte surtout d’une politique de développement inspirée par les communistes, minoritaires électoralement mais très influents suite à la lutte antifasciste et de Libération, politique menée dans un compromis avec le capital italien familial national tel la FIAT de «l’Avvocato Agnelli » ; compromis qui va durer jusqu’à ce que l’accélération de la concentration capitaliste mondiale ôte et au Parti Communiste Italien (PCI) et à la Démocratie Chrétienne (DC), à la fois alliés et concurrents, et aux grandes familles, leur pouvoir sur la possession et le mouvement du capital.

Pour expliquer le recul des États italiens avancés, il faut ajouter le poids rétrograde de l’Église sur le plan économique comme sur le plan idéologique. Les épisodes de Galilée ou de Giordano Bruno en sont une illustration marquante. Il n’y pas de développement sans une avancée conjointe des forces productives et productrices (production antagoniste de plus-value et production de valeur d’usage en unité contradictoire), de l’organisation sociale et des idées qui vont avec, conjointement.

Un capitalisme national réactionnaire

Le capitalisme du fascisme italien est un capital rural de grands latifundia et des grandes familles se convertissant au capital industriel. Le poids des grandes familles rurales (Voir 1900 de Bertolucci) s’oppose au poids du capital industriel dans les débuts du XXe siècle et donne au fascisme tous les ingrédients d’une alliance des forces les plus réactionnaires contre la montée du mouvement ouvrier (Création du PCI en 1921), faible mais d’une grande inventivité, que les Cahiers de prison de Gramsci et les propositions permanentes de Togliatti dans les luttes illustrent. Les ouvriers de la FIAT et le mouvement ouvrier agricole sont au centre des luttes sociales. Seule l’alliance de la Confindustria (le « Medef » italien) avec Mussolini dans les exactions encouragées par l’État bourgeois, petit-bourgeois peut-on dire, telles l’assassinat de Matteotti, député opposant, ou la fameuse et ridicule mise en scène médiatique de la « Marche sur Rome », ont raison un temps du mouvement démocratique et ouvrier montant.

Ce poids du passé n’est pas éteint et l’avancée des forces d’extrême droite radicale telles la Lega de Salvini et I fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, en témoigne. Dans la crise du capitalisme mondialisé et financiarisé, le mort saisit le vif : ce mort constitue une charnière avec une possible participation des luttes ouvrières et populaires italiennes d’aujourd’hui à la construction d’une mondialisation échappant à, et transformant et dépassant notre mode de production et d’échange obsolète et malade.

Je ne reviens pas sur le processus de dépassement (Aufhebung, selon le terme de Marx) qu’ont imaginé et proposé Paul Boccara et les économistes communistes dans et par les mesures exposées dans cette revue (crédits, Fonds, SEF, nouveaux critères, droits du travail y correspondant, DTS, etc.), le tout convergeant objectivement et subjectivement dans un développement conjoint de la société, de la personne et de l’homme producteur et citoyen : processus de la conscience de la nature sur elle-même selon les termes des Manuscrits de 1844.

La grande crise politique qui sévit actuellement (démission du président du Conseil, élections anticipées le 25 septembre, etc.), est la manifestation avancée de la crise générale de production et d’échanges nationale, européenne et mondiale, celle de la suraccumulation-dévalorisation du capital et celle des rapports sociaux, en unité de crise et de mouvement.

Convergence de crise : inflation, crise du pouvoir d’achat populaire et de l’emploi, des salaires et revenus populaires, pointe avancée en Italie de la crise. Spread (1) en hausse, hausse du taux directeur de la Banque centrale européenne, augmentation du coût des emprunts de l’État. Se prévalant de son action à la tête de la BCE pour empêcher la fragmentation de la zone euro, Mario Draghi, président du Conseil italien, formé aux techniques bancaires étasuniennes, a prétendu résoudre la crise sans une critique d'une économie politique orthodoxe et strictement bancaire. Cette situation exacerbe la concurrence des partis, les ambitions individuelles, et leurs propres illusions de résoudre les problèmes sans s’attaquer aux racines systémiques de la crise. Morcellement concurrentiel et tractations politicardes du « centre gauche » libéral, Partito Democratico (PD) issu de la dissolution du PCI et de sa dérive social-libérale dans une fusion avec une grande partie de la DC et parti des 5 Stelle : Conte, Renzi, Letta… en campagne.

Et là-dessus, la montée de l’extrême droite « radicale », Lega qui a déjà participé au gouvernement Draghi d’« unité nationale », et Fratelli d’Italia qui grimpe, qui profitent tous deux des difficultés sociales et de la confusion idéologique sur les causes de la crise…

Le vide laissé par l’autodissolution du PCI

L’autodissolution du PCI en 1991 (congrès de Rimini, le dernier) n’est pas un hasard. Elle procède de l’incapacité du Parti à saisir la transformation de l’Italie, faisant suite à un affaiblissement général, en particulier idéologique dans une contre-offensive du capital, des mouvements communistes nationaux dans la transformation du monde. La conscience du processus inconscient de la société, comme dit Engels, est en défaut. Elle témoigne du poids du réformisme dans ce parti comme dans bien d’autres par rapport aux nouvelles données de la crise de suraccumulation-dévalorisation du capital (décrite dès les années 1970 et avant par Paul Boccara), et donc de la faiblesse idéologique du salariat formé à la seule défense du capital variable sans la lier à l’ensemble du mouvement du capital et son effet sur le travail, l’emploi, les évolutions anthroponomiques dépassant de loin les frontières. Cette « leçon » peut être une leçon générale pour nous ici et maintenant.

Enrico Berlinguer, après le coup d’État du Chili, procède à une juste « révision » des rapports de forces mondiaux entre capital et travail, capital et mouvement démocratique. Il procède de même à une évaluation de la crise du travail dans le capitalisme avec sa déclaration et adresse aux ouvriers sur la démocratie du « que, quoi, et comment produire » et sur « l’esaurimento de la spinta della revoluzione d’Ottobre », l’épuisement de la poussée de la révolution d’Octobre ; esquisse en cours d’une réalité mais réduction de cette réalité à des éléments insuffisamment reliés, insuffisamment synthétisés. Sa disparition en plein « sorpasso » (dépassement de la DC par le PCI), en plein meeting électoral, est un drame qui va laisser libre cours aux affrontement des ambitions dans un parti n’ayant pas effectué l’analyse de la transformation mondiale comme était en train de la faire Berlinguer, de façon avancée et prémonitoire ; affrontements donnant libre cours aux opportunismes de droite et de gauche dont le vote, plus tard, et à l’unanimité, du « traité constitutionnel de l’UE » de 2005 par les députés italiens, donne une idée.

A la suite de l’autodissolution du PCI, et de la création du PDS que Pietro Ingrao, un des rares dirigeants du PCI opposant à cette opération, appelait « La cosa » (la chose), et qui allait devenir le PD d’aujourd’hui, s’est créé « il Partito della Rifondazione Comunista » (PRC) et d’autre partis communistes comme celui de Cossutta dit « pro soviétique ». Rifondazione  travaille à une reconstruction en Italie et en Europe, avec les difficultés que l’on sait. Le philosophe Domenico Losurdo disparu il y a peu de temps a travaillé un moment à cette reconstruction.

Il existe peu ou pas en Italie l’équivalent d’une recherche économique et politique marxiste du type de celui de notre revue et de la Commission économique du PCF. Cette faiblesse existait déjà dans le PCI, ce qui le poussait à une prépondérance à « l’historicisme » théorique et ce qui a facilité la dérive idéologique et électorale vers le PD et son social-libéralisme

Ces éléments d’analyse expriment un point de vue sans doute personnel, qui appelle des approfondissements.

(1) Écart entre le taux d’intérêt sur la dette souveraine du pays et le taux d’intérêt payé par l’État allemand. Il faut néanmoins se souvenir que l’Italie, troisième puissance économique de l’UE, ne peut pas être traitée avec la même violence que la Grèce.

 

 

cet article d’Eco & Po a été publié en Italien et en français sur le site « Cambiailmondo » destiné à l’immigration italienne et proche de la CGIL.

Sur ce lien :

https://cambiailmondo.org/2022/09/11/le-radici-storiche-della-crisi-italiana/

 

VOIR AUSSI :

INVITATION VENDREDI 16 SEPTEMBRE 18 h. :

http://pierre-assante.over-blog.com/2022/08/vendredi-16-septembre-18-h.invitation.la-section-pcf-du-8eme-arrondissement-de-marseille-organise-cet-automne-une-serie-de-formations.html

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commentaires

B
Bravo pour l'article dans Economie et Politique . La nature a horreur du vide . Marx et Engels ne s'effaçaient pas devant la social-démocratie et le capital . Le PCF doit continuer à faire entendre sa voix , ses propositions pour aider les luttes .
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P
Merci Daniel.

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