Programme : Au-delà du chiffrage une nouvelle logique
Des éléments de chiffrage du programme du Front de gauche ont été avancés dans divers journaux, dont Le Monde. Discutables et limités aux seules mesures fiscales, alors qu'il faut aller bien au-delà, avec un autre crédit bancaire, ils montrent surtout que leurs auteurs font fi de la nouvelle logique sur laquelle la mise en œuvre de ce programme permettrait d'embrayer, rompant avec les cercles vicieux de la croissance financière et du chômage, à la racine de l'emballement des déficits et des dettes.
On amorcerait, au contraire, un nouveau type de croissance tirée par la sécurisation et la promotion de l'emploi, de la formation, l'expansion des services publics et d'autres relations internationales.
Faisant reculer les gâchis de capitaux et de ressources naturelles avec l'intervention des salariés et des citoyens, elle libérerait un énorme potentiel de création de valeur ajoutée. Elle mobiliserait l'argent des profits, des fonds publics et du crédit bancaire pour financer les investissements nécessaires à la réalisation d'objectifs sociaux et environnementaux novateurs.
Le programme du Front de gauche déclare : « Nous proposons que la BCE finance par création monétaire un Fonds de développement social, solidaire et écologique européen. »
Ce faisant, la BCE achèterait des titres publics des États de la zone euro pour une expansion des services publics, différenciée suivant les besoins nationaux, en vue d’une nouvelle croissance sociale.
De même, il s’agirait de déployer une « nouvelle mission de service public du crédit¡K au service de l’emploi, de la formation, de la croissance réelle et de la préservation de l’environnement ». Les taux d’intérêts des crédits à moyen et long termes aux entreprises seraient réduits de façon sélective d’autant plus fortement que seraient programmés et vérifiés de bons emplois et formations, pour des investissements réels, matériels et de recherche, socialement efficaces. Ils pourraient être nuls voire négatifs (avec une diminution des remboursements).
Ce nouveau crédit sélectif permettrait aux PME de financer la fixation du SMIC à 1 700 euros bruts par mois, tandis que les grands groupes pourraient y faire face sans problème. Faire reculer les prélèvements des banques et des actionnaires (309 Mds en 2010, d'après l'INSEE) contribuera à la baisse des coûts. Les groupes du CAC 40 disposaient en trésorerie de 287 milliards d'euros l'an dernier (+26 %). S'agissant des personnels de l'État, la réduction des niches fiscalo-sociales accordées aux entreprises (172 milliards d'euros par an en comptant les niches déclassées) comme la taxation des grandes fortunes et des hauts revenus du capital y pourvoiraient.
Ce nouveau crédit pourrait être organisé aux niveaux local, national et européen. Ainsi, au niveau local, des Fonds régionaux publics prendraient en charge tout ou partie des intérêts.
Au niveau national, nous proposons l’institution d’un Pôle financier public mettant en réseau les institutions publiques et mutualistes existantes et de nouvelles banques nationalisées. Il contribuerait à impulser des orientations nouvelles dans tout le secteur bancaire et financier. Outre l'élan donné à un nouveau type de crédit, il s'agirait de lutter contre les activités spéculatives, y compris par la séparation des banques de dépôts et d’investissement, en conjuguant croissance réelle efficace et progrès social, avec également des taxations.
Enfin et surtout, ce nouveau type de crédit pourrait s’appuyer sur un autre financement des banques par la BCE qui - bien au-delà des rachats de titres publics et des 1 000 milliards d'euros qu'elle a dû prêter à 1 % aux banques sans aucune conditionnalité - devrait assumer de nouvelles missions prioritaires, pour l’emploi et la croissance réelle.
Ces propositions du Front de gauche sont cohérentes, au contraire de celles de F. Hollande et du PS, car elles mettent en cause la finance, tout en précisant l'audace nécessaire.
Loin des exercices traditionnels de chiffrage, toujours faux car contredits par les réalités ultérieures, et qui visent à enfermer la réflexion des citoyens dans le fatalisme face aux contraintes réputées indépassables du capitalisme financier en crise, il s'agit de donner à voir la possibilité d'une autre logique.
Yves Dimicoli, Frédéric Boccara, Denis Durand
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