Ernst Bloch : que retiens-tu de nos dernières conversations ? Quel écho de ma voix dans vos têtes ?
Pierrot : Je retiens que le capitalisme c’est l’explosion quantitative des capacités de production humaine et le communisme l’explosion qualitative des capacités de production humaine. Bien sûr quantité et qualité existent dans tout processus, mais c’est pour caractériser les éléments du débat et de la réalité actuelle qui l’induit.
Quantité et qualité existent dans tout processus. Dans celui de l’histoire biologique humaine, dans l’histoire du travail, de la transformation de la nature par le travail, comme dans le processus cérébral dans l’histoire de l’humanité et dans l’histoire de l’enfant et de la personne. Tout cela « fonctionne » en unité, ce sont des « fonctions » dans la « fonction globale ».
Ernst Bloch : Oui, Il n’y a pas d’autre voie que celle de la qualité, dans ces divers et multiples mouvements, dans les diverses et multiples entités humaines. Comment en arrives-tu à cette vision ? Comment lies-tu l'étude de de la baisse tendancielle du taux de profit, la contradiction qu'elle constitue et que comportent dans le même temps toutes les mesures que le capital prend pour contrecarrer sa suraccumulation , avec l'action pour satisfaire les besoins de développement humain ?
Pierrot : En observant, avec l’éclairage de nos échanges, la réalité d’aujourd’hui (cliquer sur ces mots). Ce que connaissent les peuples en mouvement *, c'est la crise qui nous touche aussi dans les entités développées, avancées économiquement, et qui s'ajoute à leur misère, à toutes les misères, et mettent en mouvement de nouvelles couches sociales, particulièrement là où les forces productives (les humains et leur conditions "matérielles et morales" de production) évoluent de façon à le permettre. Mais c’est un processus de libération généralisé.
Ernst Bloch : Quel plaisir d’avoir écrit ! Mais je l’ai fait pour qu’ils existent ces dialogues. Je te remercie de ne pas en faire un monologue.
Pierrot : Je te remercie aussi. C’est la continuité de la vie humaine, de la conscience de la nature sur elle-même qu’elle fait exister, comme tu le dis si bien en dialoguant toi-même avec Karl Marx.
Ernst Bloch : Il y a unité du processus dans ses diverses « fonctions » et entités humaines, il y a aussi continuité du processus dans les transformations qualitatives. « Faire du passé table rase », il s’agit là de faire table rase de l’exploitation mais pas de l’histoire humaine. La continuité est d’autant plus évidente que le processus se complexifie et que cette complexité n’admet pas de retour en arrière. Les moratoires sont ou des façons d’avancer dans le processus ou des destructions du processus, l’un ou l’autre, et l’un et l’autre, c’est le travail de la contradiction, mais en aucun cas des arrêts sur image. D’ailleurs « chaque présent » est un mouvement qui contient la complexité en mouvement, le mouvement de la complexité. Par exemple, des « pôles démocratiques du crédit », locaux, nationaux, internationaux, mondiaux, peuvent participer du processus de dépassement de la mesure quantitative de l’échange et à l’abondance qualitative que cette transformation exige. A chacun selon son travail puis à chacun selon ses besoins, comme l’on disait à juste titre.
Pierrot : Oui, nous avons besoin d’imaginer une autre qualité du développement (cliquer sur ces mots) et non celle du développement actuel du capital, « Das Kapital » nous en donne bien des voies pour imaginer autrement à partir de la réalité du moment et de ce qu’elle contient du temps-espace universel…
L’emprise de l’échange Argent-Marchandise –plus d’Argent de notre vie quotidienne détermine nos mentalités, pèse sur nos mentalités, et de plus en plus. Mais la crise de l’échange capitaliste et sa mesure sur laquelle nous devons agir dans un processus volontaire et progressif nous fait entrevoir, imaginer comment agir différemment dans cette continuité. On peut imaginer une autre qualité du développement seulement à partir de réalités présentes que cet échange A-M-A’ nous voile. Et tenter d’agir dans et par une « expression consciente du processus inconscient ».
Ernst Bloch : J’espère que nous continuerons ce dialogue, qui est d’ailleurs un « multilogue généralisé », quand ton, votre, observation de la suite du processus social éveillera d’autres échos de ma voix et d’autres voix et de la tienne, pour continuer à agir. N'oublie pas non plus la nécessité du "courant chaud" !
Affectueusement à vous tous.
Ernst.
Pierre Assante, 26 mars 2011
* sur les mouvements qui agitent en ce moment les peuples, particulièrement ceux de Méditerranée, et les interventions qu’ils suscitent de la part des nations capitalistes dominantes, pour "tout changer pour que rien ne change", relire, comparativement et sans « calque » de deux moments d’histoire : « L’impérialisme et la scission du socialisme », Vladimir Oulianov dit Lénine, 1916.
Ce qui distingue, entre autre, je crois, cette période de la notre, c'est l'accroissement des capacités (de la classe ouvrière et du salariat dans sa diversité) de l'autogestion dans le "que et comment produire"
Cet accroissement est permis par l'évolution des forces productives depuis la naissance de l'impérialisme de monopoles décrit par Lénine.
L'accroissement des capacités d'autogestion qu'il faut mettre en oeuvre et qui demeurent en attente, l'ergolologie "de classe", (c'est à dire la connaissance de l'organisation du travail pour sa transformation à partir de la santé de l'activité humaine) en est un des outils.
L'organisation taylorienne de l'activité humaine, propre à l'organisation capitaliste du travail, est le modèle qui répond aux lois du profit, à sa baisse tendancielle et la suraccumulatio-dévalorisation du capital et qui s'étend de la production stricto sensu vers y compris les services et les activités de gestion financière de drainage des capitaux vers les monopoles.
Sortir de cette organisation taylorienne, c'est s'attaquer et transformer une organisation du travail basée sur le profit et malade du profit. Les suicides au travail sont la partie visible de l'iceberg, celle encore relativement moins visible étant la maladie générale du développement humain qui trouvera son issue dans l'organisation révolutionnaire du salariat, l'autogestion du "que et comment produire". Evidemment, cette autogestion ne peut se passer d'une cohérence générale de la production humaine dans sa diversité.