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15 août 2020 6 15 /08 /août /2020 07:06

8 août 2007

 

Il n’y a pas de réalité universelle

sans entités particulières.

ou

l’unité contradictoire

de l’aléatoire et de la logique du processus global,

résultante de cette infinité aléatoire.

 

 

La multiplicité des évènements qui se produisent dans le cerveau, le corps-soi de l’individu, la multiplicité des évènements qui se produisent dans l’humanité, le processus unifié que constituent ces évènements entre la personne humaine et la société, dans la multiplicité des champs d’activité, illustrent l’unité contradictoire de l’aléatoire et de la logique du processus global, résultante de cette infinité aléatoire.

Le « génie » philosophique, celui qui équivaut à l’action révolutionnaire, consiste en une marche sur la corde raide entre le structuralisme d’un côté, la philosophie analytique de l’autre. Sans cette marche sur la corde raide, tout n’est que répétition, c'est-à-dire la mort. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas mimétisme dans nos actions. L’homme est quotidien, mimétique, poïétique disait Henri Lefebvre.

 

Structuralisme et philosophie analytique alimentent le savoir, et le font souvent avec des résultats partiels très féconds. Ils doivent cependant, pour donner un horizon opérationnel au processus de l’accumulation des savoirs, s’intégrer à la circulation globale qu’est l’humanité dans son milieu global, ce que le mouvement de pensée désigné par le terme « marxisme »,  malgré tous les culs-de-sac dans lequel ce dernier à pu s’engouffrer, sans que pour cela son fondement en soit devenu obsolète (bien au contraire), s’est efforcé de faire.

 

Le marxisme, c’est cette marche sur la corde raide, que l’on peut rejeter parce qu’on la trouve inconfortable et que l’on préfère un confort mortel. Mais la marche, la marche toute simple est un exercice permanent d’équilibre auquel on ne prête même plus cas, sauf en cas de maladie de l’équilibre ou toute autre difficulté d’équilibre quel qu’il soit. Et chacun sait qu’il faut apprendre à marcher. On a toujours du vide, autour, de chaque côté de soi. Le danger est lié relativement à sa profondeur et le confort à la capacité d’équilibre en mouvement…pour ma part, j’essaie….

« Ce mouvement de pensée appelle sur le plan théorique un nouvel approfondissement de découvertes anciennes et leur entrée en résonance avec de nouvelles découvertes à faire quant à la consistance réelle et la fécondité possible de l’inspiration marxienne » nous dit Lucien Sève. (« Marx et nous I », Editions La dispute)

 

L’action révolutionnaire s’est généralement plus préoccupée de la résultante du moment et des possibilités de transformation de cette résultante en tant que photo du processus, que de l’énigme de l’infinité des composantes qui produisent cette résultante. D’autant que l’étude des composantes aboutit souvent à la réification de la composante. Mais cet écueil possible a conduit à un autre : celui d’ignorer la complexité des situations et donc d’ignorer les conditions nécessaires aux transformations.

 

Ainsi, le « génie » philosophique, celui du devenir par rapport à la philosophie « purement » spéculative,  a besoin d’un arrière-fond de la complexité du mouvement des savoirs, comme liant de sa perception de l’unité contradictoire de l’aléatoire et de la logique du processus global, résultante de cette infinité aléatoire.

 

En langage plus simple : le dogmatisme aggrave les déformations de la perception de la réalité. L’aller-retour entre la vision globale du moment et les différents champs du savoir est nécessaire à l’action.

 

En langage encore plus simple : l’action révolutionnaire ne peut pas se passer d’une grande curiosité de la part de ses acteurs et du collectif qu’ils constituent. Une humanité sans curiosité, sans ouverture perd toute identité, c'est-à-dire la cohérence nécessaire à l’existence de toute entité, quelle qu’elle soit. Et il n’y a pas de réalité universelle sans entités particulières.

 

Encore, encore plus simple : chaque geste quotidien qui résout une question quotidienne est une action révolutionnaire. Je pense en particulier aux gestes de la mère pour répondre à son enfant. Et je ne connais pas de meilleur exemple. C’est tout l’instinct, le sentiment et la réalité de vie que contiennent ces gestes. Les oublier est la pire des aliénations, celle qui induira toutes les autres et conduira à l’opposition entre la personne humaine et le groupe, à la domination contre la coopération, réduisant le mouvement de l’humanité à une robotisation, un emprisonnement dans l’outil.

 

L’outil et la pensée sont liés. Le progrès technique et la capacité de création de l’humain, mouvement en aller-retour et en spirale n’échappe pas à la constitution biologique de l’entité humaine et aux contraintes naturelles et sociales qui en découlent. Comment pourrait-il en être autrement ?

La constitution de la société en classe découlant de la capacité humaine de sur-produire par rapport à ses besoins élémentaires de survie,  qui s’est développée dans le néolithique, alors que le paléolithique avait déjà engendré la production symbolique, est une contradiction féconde pour le développement des forces productives. Mais elle est féconde de par cette autre contradiction, cette autre opposition entre la survie de l’individu et celle du groupe. C’est bien la résolution à chaque instant, dans chaque situation,  de cette contradiction qui permet l’existence de l’humanité.

 

La résolution à chaque instant, dans chaque situation,  de cette contradiction se pose différemment au fur et à mesure que l’activité humaine modifie les conditions de son existence. C’est le cas dans les conséquences de ces modifications en matière d’écologie par exemple. Nicolas Sarkozy « a raison » quand il laisse à entendre que l’inégalité sociale de l’individu découle de l’inégalité de développement. Là où il a tort, c’est de faire de cette réalité une réalité figée (1). Si cette fixation perdurait, ce serait une mort annoncée. Et cette mort commence par la réduction de la solidarité à la charité.

 

Le geste de la mère illustre à la fois l’intérêt particulier de la mère et l’intérêt particulier de l’enfant dans la fusion que ce geste constitue POUR LA MERE. Pour l’homme mâle, la femme avec ou sans enfant, la présence (ou l’absence qui est une forme de présence sociale) de la mère (ou son souvenir), est le plus fort témoignage du mode de vie humain, d’où découle le processus du rôle séparateur-libérateur de la société et son aller-retour-unité entre dépendance et autonomie. Le rapport homme-femme dans ce qu’il constitue de rapports de domination dans les rapports sociaux de production, production qui s’étend au-delà de « l’industrieux », est LE rapport type de domination. Le mépris conscient ou inconscient, l’affection ou la haine paternalistes, la fuite des rapports de sexes, ou plus rarement le respect et le sentiment d’égalité conscient qui en découlent, forment le modèle qui va induire le comportement de l’enfant devenu adulte.

 

L’essence de l’homme (générique, en tant qu’espèce en mouvement), c’est l’ensemble des rapports sociaux dit Marx. Mais cette affirmation est une affirmation qui vaut pour le moment et le type de mode de production. Lorsque le mode de production n’induisait pas d’existence de classes sociales, les rapports sociaux n’étaient pas des rapports de classes, même si des dominations d’autres types existaient. Marx, Engels en particulier, considèrent que la première division du travail qui induit une domination découlant du mode de production est la division du travail entre homme et femme.

 

Ces remarques sur le rapport homme-femme ne sont pas une digression anodine ou une parenthèse par rapport à notre propos général. La constatation des rapports homme-femme ne doit pas plus se figer que ne doivent se figer comme des formules les concepts de « rapports de classe » ou de « division sexiste du travail ». En cela nous rejoignons le début de cet article et fermons la boucle, ou plutôt élargissons la spirale : La multiplicité des évènements qui se produisent dans le cerveau, le corps-soi de l’individu, la multiplicité des évènements qui se produisent dans l’humanité, le processus unifié que constitue ces évènements entre la personne humaine et la société, dans la multiplicité des champs d’activité, illustrent l’unité contradictoire de l’aléatoire et de la logique du processus global, résultante de cette infinité aléatoire.Quantum et durée.

 

Le travail est une réalité et un concept. Réalité et concept peuvent se limiter à l’aspect du travail salarié, du travail contraint, et dans ce cas il s’agira d’une vision structuraliste. Réalité et concept peuvent aussi se résoudre à une généralité qui serait l’activité humaine. Et dans ce cas ce serait une vision analytique rassemblant des éléments de particularités, c'est-à-dire, non une synthèse mais une erreur composée.

Les concepts d’activité ne peuvent se passer du particulier dans l’activité. Mais il ne deviennent « génie philosophique » que s’ils saisissent le vif, c'est-à-dire l’activité dans le contexte naturel et social, dans les rapports sociaux, qui sont aujourd’hui ceux du capitalisme mondialisé et informationnalisé, dont la logique inchangée de son origine, l’échange inversé basé sur A-M-A’ constitue une contradiction de moins en moins motrice, donc de plus en plus stérile au développement humain.

 

Aussi une réflexion intitulée « travail et société », replace la question de l’activité humaine dans une problématique opérationnelle et non pas seulement spéculative, si tant est quelle respecte le contenu de sa formulation.

 

Il y a dans la formation du symbolique, comme dans celle du langage, une analogie avec la fonction religieuse, sa révolution par le christianisme qui entre en jeu avec l’entrée en jeu des rapports de classe, et son dépassement de la forme poétique à la forme prosaïque, qui elle-même n’élimine pas la poésie mais la contient.

« L’historicisme se contente d’établir un lien causal entre divers moments de l’histoire. Mais aucune réalité de fait ne devient, par simple qualité de cause, un fait historique. Elle devient telle, à titre posthume, sous l’action d’évènements qui peuvent être séparés d’elle par des millénaires. L’historien qui part de là cesse d’égrener la suite des évènements comme un chapelet. Il saisit la constellation que sa propre époque forme avec telle époque antérieure. Il fonde ainsi un concept du présent comme « à-présent », dans lequel se sont fichés des éclats de temps messianiques. », nous dit Walter Benjamin.

 

Ce marxiste qui poursuit, continue, avec les particularités de sa propre culture dans sa propre histoire de personne, dépasse, tout ce que Marx nous recommande de dépasser, y compris les incompréhensions des concepts qu’il a développés et qui semblaient faire « un sort » au symbolique par rapport à l’économique.

La mise en garde date de longtemps, relativement à la longévité individuelle : « …C’est Marx et moi-même, partiellement, qui devons porter la responsabilité du fait que, parfois, les jeunes donnent plus de poids qu’il ne lui est dû au côté économique. Face à nos adversaires, il nous fallait souligner le principe essentiel nié par eux, et alors, nous ne trouvions toujours pas le temps, le lieu, ni l’occasion de donner leur place aux autres facteurs qui participent à l’action réciproque. Mais dès qu’il s’agissait de présenter une tranche d’histoire, c'est-à-dire de passer à l’application pratique, la chose changeait et il n’y avait pas d’erreur possible. Mais, malheureusement, il n’arrive que trop fréquemment que l’on croie avoir parfaitement compris une nouvelle théorie et pouvoir la manier sans difficulté, dès qu’on s’en est approprié les principes essentiels, et cela n’est pas toujours exact. Je ne puis tenir quitte de ce reproche plus d’un de nos récents « marxistes », et il faut dire aussi qu’on a fait des choses singulières. » écrit Friedrich Engels,  à Joseph Bloch, le 21 septembre 1890.

 

Ce qui n’empêche qu’il nous faille encore souligner le principe essentiel nié avant tout par « ceux qui veulent tout changer pour que rien ne change » et mettre le travail, lieu de la production et de l’exploitation au centre de notre action de transformation sociale

 

«…. Un usage de soi par soi, usage de soi par d’autres. L’usage de soi par d’autres, d’une certaine manière, c’est le fait que tout univers d’activité, d’activité de travail, est un univers où règnent des normes de toutes sortes : encore une fois, qu’elles soient scientifiques, techniques, organisationnelles, gestionnaires, hiérarchiques, qu’elle renvoient à des rapports d’inégalité, de subordination, de pouvoir : il y a tout cela ensemble. Lorsque nous disons que chacun essaye de se vivre comme centre d’un milieu, avec toutes les réserves nécessaires, cela signifie qu’on entre dans un milieu où les contraintes sont très fortes. On ne fait pas ce qu’on veut -très, très loin de là- et chacun le sait bien. Au point qu’on a eu tendance, dans la culture et les sciences sociales, à uniquement envisager l’usage de soi par les autres, par d’autres, c'est-à-dire à ne supposer ou à n’évoquer que le monde de contraintes, en pensant que cela suffisait pour comprendre l’activité…… » conclurait peut-être Yves Schwartz, mais il faudrait pour le savoir qu’il nous le dise lui-même, comme il le fait dans « Travail et Ergologie, entretiens sur l’activité humaine », Editions Octarès, Ouvrage collectif.

 

Je finis par cette autre citation d’Yves Schwartz, tirée de la conclusion de « Le Paradigme ergologique, ou un métier de philosophe », Octarès, qui rejoint, il me semble,  celle de W. Benjamin :

…..« Les processus d’anticipation pertinents, pour le neurophysiologue, sont de l’ordre de « quelques millisecondes » dit Berthoz : oui, si l’on ne va pas jusqu’à l’infinitésimal de l’activité, comme nous n’avons nous-mêmes cessé de le répéter et cela sans disposer de l’extraordinaire confirmation de laboratoire, on risque peut-être de rater l’essentiel de celle-ci ; et c’est en effet ce qui arrive souvent dans le champ des sciences sociales. Mais ce jeu introduit dans l’infiniment petit temporel interdit paradoxalement de penser qu’un quelconque protocole de laboratoire, une quelconque modélisation parviendra à cerner le sens de ce qui se joue dans ces millisecondes. Si on parle des buts du « soi », c'est-à-dire de ce qui importe fondamentalement, et qui nous donne sans doute les clefs pour comprendre l’historicité des configurations humaines, alors, il faut certes sortir du laboratoire, et articuler sur l’infiniment bref, des horizons de durée très variable, dont certains sont aux antipodes de ces millisecondes….. »

(1) Cette citation date d'Août 2007, du quinquennat de Sarkosy.

La photo est une photo de Walter Benjamin.

 

Pierre Assante,

Marseille, La Madrague de Mont Redon,

Le 8 août 2007

 

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